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— Évohé !… répétaient les plus fous de la troupe.
À jeun tu retrouvais ton fidèle patron,
Le doux Remi Belleau, le trop sec biberon.
C’est toi qui pour Ronsard, — souvent homme varie, —
Couvrais de fleurs Hélène et Cassandre et Marie.
Quels héroïques temps ! quels délicieux jours !
Les folles nuits d’ivresse et les belles amours !
Jamais Dame, jamais Impératrice ou Reine,
N’eurent pareil cortége à leur cour souveraine ;
Les Rois tenaient les pans de ton manteau ; cent fois
Plus pompeux, plis gourmés et plus vains que des Rois,
Les poètes suivaient de près, chantant Matines ;
Jean Daurat s’obstinait à ses strophes latines,
Mais Ponthus de Tyard, noble comte titré,
Évèque de Châlons, sacré, crossé, mitré,
Profès en Apollon, menait le diocèse
Et donnait à Magny la réplique française ;
Les sonneurs de sonnets chantaient à plein gosier
Et le page Amadis effeuillait son rosier ;
Puis enfin s’avançait le héros de la fête,
Couronné de tes mains, nimbé comme un prophète,
Grave comme un pontife, ardent comme un guerrier
Et tout enguirlandé de myrte et de laurier.
« Ronsard », chantait le chœur, fier de ses lyres neuves,
« Vous êtes l’Océan, et nous sommes vos fleuves ;