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Dans le sentier battu qui menait à son cœur.
Tu lui disais tout bas, pour vaincre l’ingénue :
« Vous souvient-il du temps où je vous ai connue,
Jouant, chétive et grêle, au foyer paternel ?
Nous nous jurions alors cet amour éternel
Qu’en l’amitié d’enfance un amour vague espère. »
Et Clément disait vrai. Car le vieux Jean, son père,
Entendant geindre au pied d’un infâme poteau,
Avait pris l’orpheline aux plis de son manteau :
On pendait haut et court un voleur d’importance,
Et, durant qu’on hissait le père à la potence,
La fille s’accrochait au pauvre trépassant.
Mais il dit au vieux Jean : « Emporte-la, passant ;
Je suis Villon, natif de Paris, près Pontoise ;
On va me colleter d’un cordeau d’une toise,
Pour apprendre à mon cou, pris entre deux piliers,
Ce que pèsent les clous de mes pauvres souliers ;
J’aurai du premier choc les vertèbres rompues.
Il ne me reste rien de mes franches repues,
J’ai la besace vide et le corps transparent ;
Je m’en vais au gibet pendre comme un hareng
Qui, le vendredi saint, sèche accroché dans l’âtre.
C’est bien ; j’ai toujours eu l’humeur libre et folâtre
Et ma fin répond bien à mon commencement.
J’ai dicté mon petit et mon grand testament