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MES ARBRES


I


J’ai des arbres, remplis de bois mort et de trous,
Gélifs, noueux, tortus, bossus, couverts d’écailles,
Tronqués et plus moussus que de vieilles murailles,
Emmantelés de lierre et hérissés de houx.

Vieux serviteurs bourrus. Le plus rugueux de tous,
C’est Jean, mon bûcheron. Cet homme sans entrailles
Surveille les halliers et sonde les broussailles :
Monsieur, ce chêne est mort ; quand donc l’abattrons-nous ?

— Jean, cet arbre est vivant, vois cette feuille verte.
Jean rit. Sa dent reluit sous sa lèvre entr’ouverte.
Jean, es-tu sans pitié, sans âme et sans amour ?

— Moi ! répond le bonhomme ardent à sa besogne,
Quand un arbre s’en va, je bêche tout autour
Et, quand j’ai dégagé les racines, je cogne.