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Un fantôme charmant se dresse devant lui,
Le spectre inoublié de sa douce jeunesse
Et, les voyant ensemble, il les confond sans cesse.
Le maître laisse dire et d’un signe indulgent
Semble même parfois approuver Petit-Jean.

     Les vieux ainient toujours à faire un peu l’école.

L’autre jour, c’était fête au comice agricole
Et monsieur le Préfet donnait à Petit-Jean,
Confus de tant d’honneur, la médaille d’argent.
On y lit, imprimé par les soins du comice
Jean, cinquant ans de bon et fidèle service.
C’est à peine si Jean se montre satisfait ;
Il dit en grommelant tout bas qu’il n’a rien fait
Qui mérite qu’on frappe à son nom des médailles ;
La vieillesse et l’honneur qu’on affiche aux murailles
Et que l’on enguirlande en battant les tambours
Ne sont point, suivant lui, des bêtes de concours ;
Les charlatans sont seuls fiers quand on les imprime
Et c’est aux vaniteux qu’on doit donner la prime,
Mais, quand il croit n’avoir personne auprès de lui,
Il ouvre avec respect le bienheureux étui ;
Il sourit à son nom d’une manière étrange ;
Il admire, il épèle, on dirait qu’il le mange.