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De fraîcheur et d’humus se grise étourdiment,
Prend lentement racine et languit un moment,
Puis, quand il est bienfait à son nouveau régime,
Sent par degrés la sève arriver à sa cime
Et devient le plus beau des arbres du verger,
Ainsi notre chétif et malingre berger,
Qui jusqu’après vingt ans avait l’air d’un arbuste,
Tout d’un coup devint grand, fort, gaillard et robuste.
— À vingt-cinq ans, disait l’autre jour un ancien,
C’était un rude gars qui n’avait peur de rien.
— Un gentil gars, contait en secouant l’oreille,
L’autre dimanche soir, une petite vieille.

     Tout dans l’ancienne ferme a changé depuis lors.
Les fermiers ont vieilli doucement, puis sont morts ;
Les sillons ont été remplacés par les planches ;
On a renouvelé les lames et les manches
Des vieux outils ; tout use et tout change à son tour ;
Les bœufs sont à l’engrais, les chevaux au labour,
La plante fourragère a chassé la jachère,
Le travail diminue et la main-d’œuvre est chère,
Le maître est résigné, le valet exigeant.
Tout a changé de face, excepté Petit-Jean.

     Petit-Jean, qui comprend la dignité rustique,