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Ils sautaient et claquaient des dents autour du feu ;
Sitôt que dans le pot l’eau frémissait un peu
Ils s’écriaient en chœur que la soupe était cuite.
On se battait toujours pour gratter la marmite.
Aussi, que de fruits verts, de mûres de buissons,
De noisettes, cueillaient garcettes et garçons !
Les airelles des bois, les merises sauvages
Tatouaient en été leurs mains et leurs visages.
Pieds nus, crotté, troué, morveux, inassouvi,
Quand Petit-Jean quitta sa mère, il fut ravi.
L’estomac taquinait le cœur du pauvre diable.
À la ferme, ô miracle ! on se mettait à table ;
On mangeait son content de soupe de gros lait
Et l’on recommençait au pain tant qu’on voulait,
C’était un rève ! Jean, la bouche toujours pleine,
Se crut en Paradis la première semaine.
Pauvre Jean l’affamé ! Quel paradis mignon !
La maîtresse était rogue et le maître grognon,
Le chien sournois, le pain moisi, le fricot rare,
Le cidre aigre et versé par une main avare,
Mais Jean trouvait la chère exquise. Il avait faim.

     Comme un arbre élevé dans un mauvais terrain,
Planté dans une terre un tant soit peu meilleure,
Cherche d’abord sa voie et, dès la première heure,