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Artisans, est la prison centrale de la Sibérie orientale, qui renferme plus de mille prisonniers ordinaires, et qui contient en outre de nombreux forçats, qu’elle dirige sur Les pénitenciers de l’Est. La fondation de la première école à Irkoutsk remonte à l’année 1718 : le Collège national à lui-même plus de cent ans d’existence : il fut ouvert en 1789, quatre années après l’établissement d’une imprimerie officielle.

La chambre que nous occupons à l’hôtel est très élevée d’étage. Une cloison en planches, de 2 mètres de haut, forme une sorte de cabine où se trouvent un divan + une table surmontée d’une cuvette en cuivre : ce sera notre chambre à coucher. On mettra le matelas de Marie sur le divan, et le mien par terre.

On nous avait beaucoup vanté les hôtels d’Irkoutsk et surtout l’hôtel Déko. Nous ne nous y trouvons pas mieux qu’à Stretinsk, à Nertchinsk, à Tchita, mais notre chambre est plus spacieuse. Nous avons deux fenêtres sur la rue ; j’ai toutes les peines du monde à les faire ouvrir pour changer l’air. La cuisine est assez bonne. Bien que la chasse ne soit pas encore ouverte, on nous sert de jeunes coqs de bruyère fort délicats. Le poisson de l’Angara est également très fin.

Ma première visite fut pour le gouverneur général, le général Gorémékime. Il était en conférence avec le gouverneur de Iakoutsk et je ne pus le voir ; mais il me fit remettre dans la journée une nouvelle liste blanche. Muni de ce document avec lequel j’étais désormais certain de ne pas manquer de chevaux aux prochaines cinquante-quatre stations, c’est-à-dire jusqu’à notre entrée dans le gouvernement de Tomsk, je me sentis le cœur plus léger, et j’eus plus de plaisir à me promener dans la ville. Un photographe français, M. Bogdanovitch, voulut bien nous servir de guide. C’est à lui que je dois une bonne partie des renseignements obtenus sur le pays et sur l’exploitation des mines d’or.

CATHÉDRALE D’IRKOUTSK[1].

Sur la place de la cathédrale, la plus importante d’Irkoutsk, se dresse l’église catholique, élégante construction en briques rouges dont l’unique clocher élancé fait contraste avec les sanctuaires orthodoxes aux multiples clochetons semi-sphériques. Le curé est un vieux Polonais de quatre-vingt-dix ans. Il compte bien que nous viendrons à la grand messe dimanche, c’est-à-dire après-demain, mais, apprenant que nous serons partis, il nous promet de l’avancer d’un jour en notre honneur.

À quelques mètres seulement se trouve une église, que l’on me dit être la plus ancienne de la Sibérie. Elle est peinte en blanc, avec de curieuses fresques extérieures. Les intempéries ne semblent pas avoir par trop abîmé les peintures. Ces fresques extérieures ne sont pas rares en Sibérie. Nous en verrons encore dans plusieurs grandes villes.

Mme Grorémékine, chez qui nous allons dans l’après-midi, est une grande dame un peu perdue dans ces pays lointains. Elle nous reçoit d’une façon polie, aimable même. Elle a l’air de qu’au point de vue social Irkoutsk est une ville de peu de ressources, et est surprise d’apprendre qu’à Pékin, où nous ne sommes cependant qu’une poignée d’Européens, la vie est non seulement très supportable, mais gaie et animée. À Irkoutsk il y a 35 000 âmes et l’on s’ennuie.

On traversait autrefois l’Angara en bac, mais, pour le passage du Tsarévitch, on se décida à construire un pont. Il est en bois, a 636 mètres de long et a coûté fort cher. Or le Tsarévitch, étant part d’Irkoutsk en bateau à vapeur, n’est jamais passé dessus. Nous le franchissons, et, suivant la route qui contourne le lac Baïkal, nous escaladons la montagne qui domine la ville. La vue est superbe : à gauche et à droite de la chaussée qui descend, des taillis de bouleau ; au fond de la vallée, la ville, autour de laquelle serpente l’Angara, avec ses nombreuses églises, presque toutes blanches, qui se découpent sur le fond plus noir des collines situées au nord. Des rayons de soleil percent de temps à autre les nuages et vont se projeter sur les toits des monuments.

Nous trouvons à l’hôtel la carte du gouverneur.

23 juillet. — Le marché me paraît bien approvi-

  1. Gravure de Berg, d’après une photographie.