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route devant un hameau bouriate composé de quatre tentes.

Les Bouriates sont soumis aux Russes depuis 1644. On évalue leur nombre à 300 000. Grands éleveurs de bétail et surtout de chevaux, ils habitent la Transbaïkalie. Le gouvernement russe n’intervient pas dans leur administration, C’est le type pur de la race mongole : ils en parlent les divers idiomes.

Ils sont presque tous bouddhistes et leurs pratiques sont les mêmes que celles des Mongols de Chine. Ils ont des lamas, des processions, des fêtes musicales.

HUTTES DE MINEURS[1].

À la station je donne un bon pourboire à notre yemchtchik, et M. X… l’entend dire à celui qui doit lui succéder : « Ils n’ont pas peur, vas-y carrément ».

Nous avons en somme toujours été très vite dans notre voyage, et cela tient au pourboire. Il y a économie à se montrer généreux. Plus vous donnez au yemchtchik qui vous quitte, plus celui que vous prenez vous mènera rondement. Quelques personnes ne donnent que 5 ou 10 kopeks : c’est trop peu pour marcher rapidement. De 20 à 40 vous assurent la bonne volonté du prochain cocher.

Les yemchtchiks ne doivent en aucun cas vous demander de gratification, et ils ne le font jamais. Ils ne s’approchent même pas de vous d’un air significatif. Il y a, à ce sujet, des règlements très sévères qu’ils n’osent enfreindre. Il faut aller à eux ou les appeler pour leur remettre leur pourboire.

La route est toujours pittoresque, même quand on traverse les plaines et les pâturages, car les montagnes ne sont pas éloignées. Souvent, le matin et le soir, au fond des vallées, on a l’illusion de la mer. On aperçoit comme un grand navire, dont toutes les voiles seraient déployées. C’est l’église de quelque village : peinte en blanc, elle se découpe seule sur les teintes sombres de l’horizon.

Après Tourino Povorotnoï, nous côtoyons l’Ingoda, ayant à notre droite la montagne dans laquelle la route a été percée. Dans les endroits dangereux on a placé un parapet, protection insuffisante en cas de choc : il a surtout pour objet d’indiquer la route aux chevaux. De temps en temps une croix solitaire vient vous rappeler qu’il est nécessaire de ne pas trop s’endormir, car cette croix est toujours un signe qu’un assassinat a été commis à l’endroit où elle est élevée.

À Oust Gloubokaya, la dernière station avant Tchita, nous trouvons le maître de poste tout atterré. Il nous attendait depuis hier, et il y a deux heures un officier lui ayant affirmé que nous n’arriverions que demain,

  1. Dessin de Marius Perret, gravé par Rousseau.