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disparu après la station de Kazanova. Il est tout particulièrement recommandé de nous donner de bons chevaux et un bon cocher, et depuis hier on garde à la station le yemchtchik qui a eu l’honneur de conduire le Tsarévitch. C’est un vieux Cosaque barbu, à la figure sérieuse, aux mouvements lents. Il monte sur son siège avec majesté et nous partons à une allure modérée.

Dans chaque maison de poste est un tableau indiquant la route et tous ses accidents. « De… à…, tant de verstes. À la Xme verste, une rivière que l’on passe en… Aux Xme, Xme, Xme verstes, une montagne où il est nécessaire de mettre le sabot. Terrain de telle et telle nature », etc.

AUX MINES D’OR[1] (PAGE 202).

Le tableau indiquait pour les 30 verstes que nous avons à faire quatre montagnes où il fallait mettre le sabot ; la première presque au départ. Arrivé au sommet, le yemchtchik descend tranquillement de son siège, entrave la roue et repart à un pas de tortue. Même manœuvre à la seconde. Ni l’une ni l’autre ne nécessitaient pareille précaution, et le regard de notre Cosaque indiquait une commisération dédaigneuse. À la troisième, il se prépare à remettre le sabot. Je lui crie : « Pas besoin de sabot ! » Il me regarde surpris et me montre la descente qui serpente pendant 2 verstes sur le flanc de la montagne. « Nitchévo, cela ne fait rien », lui dis-je. Son regard brille. Il remonte sur son siège et part bon train. De temps en temps il tourne la tête pour nous examiner, et à chaque fois, nous trouvant parfaitement calmes, il presse l’allure de ses chevaux. Nous remontons évidemment dans son estime, et lui dans la nôtre.

La dernière montagne est la plus élevée. Du sommet on à une vue splendide sur toutes celles qui nous environnent et qui sont couvertes de forêts, sur la plaine remplie de pâturages dans laquelle il nous faut descendre par une rampe de plus de 4 verstes, sinueuse et assez dénudée. Notre yemchtchik, après avoir accordé à ses chevaux un repos bien mérité de quelques minutes, remonte sur son siège, et la descente commence. C’est ce que nous avons vu de plus fantastique dans tout notre voyage, comme course folle sur une rampe bordée de précipices avec des coudes brusques franchis à bride abattue. Le yemchtchik sait que nous n’avons pas peur ; nous lui sommes particulièrement recommandés, il tient à montrer comment on conduit quatre chevaux en Sibérie.

À 1 verste de la station nous passons sur la

  1. Dessin de Slom, gravé par Ruffe, d’après une photographie.