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passons devant d’anciennes prises abandonnées. Dans un ravin absolument désert, nous rencontrons deux hommes suspects, mais nous sommes en nombre et n’avons par conséquent rien à redouter d’eux. Une rivière se présente et nous ne parvenons pas à trouver le gué. Le passage se fait au petit bonheur et est assez émouvant ; nous arrivons cependant sans encombre de l’autre côté.

UN SALON SIBÉRIEN[1] (PAGE 198).

Nous sommes devant une assez haute montagne qu’il faut franchir. Des ornières indiquent un chemin, mais ce chemin fait, paraît-il, un long détour. Un des yemchtchiks propose de couper à travers bois. Après un court conciliabule où nous n’avons naturellement pas voix au chapitre, l’escalade commence, Nous serpentons au milieu des arbres, dans une herbe très haute émaillée de fleurs, qui malheureusement couvre un terrain assez peu uni. Il faut toute la vigueur des excellentes bêles qui nous traînent pour sortir à notre honneur de cette aventure. Nous nous attendons à chaque minute à verser, à casser un trait, un essieu, une roue, que sais-je ? et ce n’est pas sans étonnement que nous arrivons intacts au sommet, Où nous retrouvons le chemin tracé, qui maintenant est excellent. Après quelques minutes d’un repos bien gagné, nous réparions à l’allure habituelle, c’est-à-dire au galop, et bientôt après nous sommes au pied de la montagne dans un village où l’on nous donne des chevaux frais.

La route de poste n’est plus qu’à 40 verstes, M. Kaplounof fils nous dit adieu et nous descendons rapidement la petite pente au haut de laquelle se trouve le hameau, Un de nos chevaux de côté cependant est récalcitrant, il cherche à se dérober. Notre yemchtchik n’est pas à la hauteur ; au lieu de le fouailler d’importance, il cherche à le maintenir avec la bride. L’animal tire de plus en plus de côté, le yemchtchik perd un peu la tête et notre tarantass finit par s’arrêter tout à coup, moitié sur une sorte de mur écroulé et moitié sur la route. Je me demande encore comment nous n’avons pas versé. On accourt, on nous aide à sortir de ce mauvais pas, et nous continuons notre route. Mais noire automédon ne nous inspire aucune confiance. Nous mettons quatre heures à faire les quarante verstes, et c’est avec un profond soupir de soulagement que Marie se retrouve sur la route de poste.

Notre arrivée à la station de Galkina est un événement. On était, paraît-il, fort inquiet à notre sujet. On avait été informé de notre départ de Nertchinsk ; nous aurions dû arriver ici hier au soir, nos chevaux étaient préparés, et tout à coup on apprit que nous avions

  1. Dessin de Gotorbe, d’après une photographie.