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VII

De Vladivostok à Saghaline.


Il est 6 heures et demie lorsque nous levons l’ancre. Le pont est encombré de charbon et de marchandises, ce qui rend la promenade difficile. De plus notre steamer est mal chargé, il penche beaucoup sur bâbord. Je n’aimerais pas cela du tout s’il survenait du mauvais temps. Il fait très froid, nous avons mis de gros pardessus d’hiver afin de jouir une dernière fois du beau tableau que présentent la Corne-d’Or et son entrée. Vers 7 heures et demie, nous sommes devant le phare qui est à l’extrémité nord-est de l’île Russe. La nuit est tout à fait tombée quand nous passons à côté de Poutiatine, il est impossible de rien distinguer.

LE « PAMYAT-AZOWA » LANÇANT UNE TORPILLE[1] (PAGE 204).

10 juin. — Notre steamer s’est relevé à bâbord. On n’a brûlé toute la nuit que le charbon de ce côté. L’air est vif, mais l’atmosphère est pure. On nous avait prédit quatre jours de brouillard sur quatre jours de traversée : jouissons du répit que le ciel nous accorde. Nous suivons la côte de la Sibérie, nous maintenant à une distance d’à peu près vingt milles.

Le Vladivostok appartient à la flotte russe dite « volontaire », dont la formation remonte au traité de Berlin. La Russie, pouvant craindre, à cette époque, des complications avec l’Angleterre, acheta aux États-Unis trois paquebots susceptibles d’être aménagés en croiseurs, l’Europa, l’Asia, l’Africa. Une souscription nationale permit bientôt d’acheter où déconstruire cinq nouveaux navires. Cette flotte, bien que propriété privée, dépend du ministère de la marine, qui fournit le personnel naviguant, pris dans les cadres d’activité. Les officiers ne peuvent obtenir d’avancement de grade, mais ils trouvent une compensation dans les appointements,

La flotte volontaire reçoit une subvention annuelle de 600 000 roubles, lorsque ses navires ont accompli ensemble un parcours de 141 000 milles marins. Elle est chargée, en temps de paix, du transport du personnel et du matériel de l’État entre Odessa, Vladivostok et Saghaline. Elle se composera bientôt exclusivement de douze navires absolument neufs, aménagés spécialement pour leur double rôle militaire et commercial, filant de 17 à 18 nœuds et armés de canons de 15 centimètres.

Le Vladivostok a également eu l’honneur de porter le Tsarevitch dans son excursion sur le Yang-tsé-kiang : aussi possède-t-il un piano. La cabine aménagée pour le prince a été conservée. Ce n’est pas à nous qu’elle

  1. Gravure de Ruffe, d’après une photographie.