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2 LE TOUR DU MONDE.

pent peu à peu pour aller se confondre sur Les cimes lointaines avec les brouillards du matin.

Tamatave se distingue difficilement du Jarge : je devine plulôt que je n’aperçois les maisons peu élevées cachées derrière Les cocotiers ct les grands arbres du rivage, la masse cireulaire du fort hova, la pyramide rouge de la pointe Tanio, seul signal qui guide le marin dans son atterrissage. À mesure que nous appr’ochons, les détails s’accusent plus fortement, des toits brillent au soleil dans les massifs de verdure, piquelés de noir çà et Là par les chaumes sombres des cases indigènes. Bientôt les pavillons des consulats et des maisons de commerce se déploient pour saluer l’arrivée du courrier de France. Après avoir dépassé un ilot boisé, Nosy-Alanana, « l’île aux Prunes », l’Amasone franchit la passe et jette l’ancre devant Tamatave. |

La rade, formée par une légère incurvation de la côte, que prolonge au sud-est un promontoire sablonneux, n’a qu’uné étendue peu considérable : elle va de la pointe Tanio au nord au récif d’Hastie qui la limite vers le sud. Du côté du large elle est imparfailement protégée par des bancs madréporiques, sur les-

quels la grande houle de la mer des Indes déferle con.

stamment. Cette rade foraine ne présente qu’un abri insufhsant : la tenue est médiocre, et lorsque vient le mauvais temps, il faulse hâter de fuir ces parages dan-

gereux. Du este les’débris du Dayot près de Ja côte,

ceux de l’Oise et de l’Ebre sur les brisants, les épaves d’un trois-mâts et les carcasses de quelques boulres conseillent la prudence. ts

Mais nous avions hâte de débarquer. Je redoutais bien quelques complications : nous n’avions pas une patente netle, le service sanitaire-pouvait être exigeant. Je fus vite rassuré : celte instilulion n’existait pas encore à Tamatave. Je prends passage avec mes amis dans une emharcalion. qui nous conduit rapidement au débarcadère. Il ne faut entendre par celte expression que lendroit de la.plage où l’on débarque habituellement passagers et marchandises. Il y a quelques années, pendant l’occupation de Tamatave, un wharf avait été construit par nos troupes ; après leur départ il fut détruit par les indigènes, qui trouvaient [à une concurrence sérieuse. Maintenant comme autrefois, les caisses et les ballols sont transportés du navire à la plage. dans des chaländs qui vieùnent s’échouer sur le sable ; de nombreux porteurs s’emparent de ces objets, les chargent sur leur dos, et, en poussant des cris assourdissants, les déposent en terrain ferme, non sans faire quelquefois des chutes malencontreuses. Pour les personnes, le mode de débarquement est analogue : c’est ainsi que, porté sur les épaules de deux vigoureux noiré, nous sommes amenés enfin à fouler le sol malgache.

Notre première visite fut pour M. Jore, chargé par intérim de la résidence de France. Il se mit fort gracieusement à notre disposition, et.je ne saurais trop le remercier de l’affabihté et de l’obligeance qu’il nous a

montrées pendant tout notre séjour. Nous dépêchons lestement quelques courses, nous allons retenir un gite convenable au Grand Hôtel de Tamatave, et, nouveaux venus, nous nous empressons d’aller visiter la ville.

Tamatave, située en parlie sur la pointe d’’Hastie, tend chaque année à s’accroître du côté du nord-ouest, dans la direction du chemin qui conduit à Tananarive. La ville ést construite sur un sol sablonneux, où l’on trouve partout et peu profondément une eau saumälre et malsaine. Les fièvres y sont communes. Les températures élevées de la saison chaude et les pluies diluviennes qui tombent à chaque instant contribuent encore à l’insalubrité de la ville.

En quittant Je débarcadère, les bâliments de la douane et les hangars des services maritimes qui J’avoisinent, on arrive au quarlier européen. La première voie dans laquelle on s’engage, et qui est parallèle à la plage, porte le nom d’Avenue n° 1. C’est là que se trouvent la résidence de France, plusieurs consulats étrangers, les principales maisons de commerce, les magasins des détaillants, la mission catholique avec une église et une école.

Pour faciliter les transports des marchandises sur celte voie, plusieurs commerçants y ont fait établir un chemin de fer Decauville. L’Avenue n° 2, paral-

lèle à la première, est bordée par des maisons de

moindre importance. Ces deux avenues sont coupées par des rues perpendiculaires, qui vont d’une rive à l’autre de la pointe. En remontant l’Avenue n° 1 vers le nord, on rencontre, après avoir dépassé le quarer européen, le village indigène, puis le fort hova, ct l’on s’engage sur la route de Tananarive. Vers le sud, cette avenue conduit à l’éstrémité de la pointe, où sont bâties quelques cases habilées par des familles originaires de notre colonie de Sainte-Marie.

Le village indigène n’offre à Tamatave rien de caracléristique ; des cases groupées sans ordre et en fort mauvais état, où les roseaux et les feuilles d’arbres employés par les constructeurs malgaches sont remplacés parfois par des lôles usées, par des douves de barriques et des débris de caisses, abritent une population flottante de soldats et de porteurs.

Le marché est situé non Join de là’en revenant vers le quartier européen. Les habitants des villages voisins y apportent lèurs produits ; on y trouve de la viande de boucherie, des volailles, du poisson, des légumes et des denrées indigènes. Les marchands, accroupis sous.un toit de chaume supporté par quatre piquels, débitent leurs marchandises amoncelées pêle-mêle devant eux. Les-approvisionnements que l’on peut se procurer sur ce marché sont insuffisants pour les besoins des Européens, qui doivent y suppléer, principalement pour les légumes, par des envois continuels de la Réunion ou par des achats fréquents aux maîtres d’hôtel des paquebôts de passage ; aussi La vie est-elle fort chère à Tamatave.

Au sud du bazar sont groupées les habitalions des Indiens malabars. Ils détiennent le commerce de