VOYAGE EN CORÉE,
IV
Après deux jours de montée à travers les contreforts de la chaîne centrale, nous atteignons enfin le carrefour de la croix, le King-pang-tcha-nadri, village situé à la base du dernier col du Song-na-san. Là on me dit qu’il faut faire décharger les chevaux et louer des hommes pour porter à dos notre bagage, tant cette dernière crête est difficile à franchir, par suite de la raideur des pentes et des effroyables rochers qui les couvrent. Je m’oppose d’abord à cette désorganisation de la caravane. Mais mon interprète a de terribles renseignements au sujet de ce passage : jamais, m’assure-t-il, mandarin ne l’a franchi autrement qu’en palanquin, et si je fais la route à pied, je perdrai une grande partie de mon prestige aux yeux de mes hommes, en privant de leur rémunération les habitants du village, dont le portage est, pour ainsi dire, l’unique ressource.
Je dois donc monter dans une chaise à porteurs des plus rustiques ; dix hommes la soulèvent, nous commençons l’ascension. À peine parti, je comprends l’insistance de Ni, en le voyant installé lui-même dans un palanquin. Son rêve, depuis le commencement du voyage, est enfin réalisé. Il faut pourtant reconnaître que jamais nous n’avons eu une route aussi épouvantable. Je m’assieds d’abord à l’européenne et laisse pendre mes jambes hors de la chaise, mais je dois bientôt les rentrer dans l’intérieur et les croiser sous moi à la coréenne, pour qu’elles ne soient pas brisées par les nombreuses roches au-dessus desquelles mes porteurs m’entraînent rapidement. Eux-mêmes évitent
- ↑ Suite. — Voyez p. 289, 305 et 321.