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À travers les cotonniers on gagne la petite ville, où l’intendant de Cristak-effendi nous offre l’hospitalité, A l’entrée de la cour montent la garde deux soldats de pierre ; ce sont des statues romaines, trouvées près de là dans le sol de l’antique Phaestos. Üne étrange calèche turque à velours écarlate nous emporte à toute vitesse à travers champs et rocs, laisse à droite les ruines d’Atrax à Alifaka, puis le hameau de Xoutsokero, enfin s’engage dans ‘un défilé pittoresque, étranglé entre les falaises de Tournaro et les Gynoscéphales. ÂAu bout de la gorge, le paysage se transforme comme par un coup de théâtre, À l’horizon grandit le cône boisé de l’Ossa, et, plus au sud, les masses confuses du Pélion. Au nord, Le gigantesque Olympe, boisé en bas, couronné de rocs aux teintes pâles, noircit de son ombre le vallon de Tempé. Au milieu de la plaine blanche, les jardins et les vignes dessinent une grande
LE TOUR DU MONDE.
corbeille de verdure, d’où s’élancent les vingt-sept minarets de Larissa.
Des villas, des vergers, de grands faubourgs entourent la cité, comme il convient à une capitale, On passe le Pénée sur un large pont de neuf arches ; en aval, voici le palais de l’évêque et l’église métropolitaine enveloppés d’une haute muraille. Larissa fut longtemps pour les Turcs un des principaux centres de domination dans la péninsule des Balkans. La cité, très populeuse autrefois, n’a cessé de déeroitre depuis un siècle. Après le traité de Berlin, beaucoup de Turcs ont émigré en Asie-Mineure. Aujourd’hui les Grecs, groupés surtout autour du bazar, se répandent dans les quarers neufs ; la plupart des antiquités, qu’on peut voir dans la cour du gymnase, à l’hôtel Bambakas, dans les ruines du théâtre et la grande caserne, ont été mises au jour par les travaux récents et attestent l’activité des
Larissa. — Dessin de Taylor, d’après une vue prise sur nature par M. Daumet.
nouveaux maîtres. Pourtant Larissa conserve une physionomie musulmane, Et les Grecs ont beau se démener autour d’eux, les Turcs sommeillent, comme autrefois, à l’ombre de leurs mosquées branlantes, pendant que la chaleur tombe lourde sur un sol desséché.
La route de Phères et de Volo se dirige vers le sudouest, à égale distance des Cynoscéphales et des marais du Karaïtsar, moitié bus par l’été.
En face du lac Bœbéis {aujourd’hui le Limni-Karla, on quitte le chemin de Volo peur escalader à droite les rampes de lelestino, l’ancienne Phères. Au milieu des bosquels et des frais jardins, qui s’étendent loin dans la plaine, vivent encore trois cents familles turques. Mais, depuis l’annexion, de nouveaux colons viennent chaque année reculer les limites du Warusi où quartier grec. Âu centre du bourg, sous les platanes d’une large esplanade, devant une mosquée, jaillit la fontaine principale, la célèbre Hypercia. Un ruisseau se forme
aussitôt, écume plus bas sous les roues des moulins, et arrose ces belles plantations d’ormes et de peupliers, ces vergers, ces potagers, dont Polybe a vanté la richesse. L’acropole occupait au nord un plateau, dominé par deux mamelons et protégé par le lit d’un torrent : c’est aujourd’hui le quartier des Valaques.
De Velestino on descend à l’est par des gorges, entre les rochers qui cachent Thèbes de Phthie et Les torrents qu roulent à gauche vers le lac Bœbéis. Après le hameau d’’Hughios Georgios, la pente se précipite sur un chemin raviné, Le soir anime de tons chauds les horizons du golfe de Volo. Déjà la mer, le rocher de Pagases, les jardins de Volo sont noyés d’ombre. Les derniers rayons glissent par les fentes de l’Othrys jusqu’aux flancs du Pélion, découpent hardiment le rude profil des roes de Trikheri et jettent un réseau d’or sur les vergers de Miliès,
Paul MonxcEaux.