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taires apparténant à l’armée des États-Unis. [ls étaient jeunes, vigoureux, de bonne mine, ayant soit les ga-Jons de sous-officier, soit les épaulettes d’officier. La plupart portaient l’uniforme du Signal Corps, ce régiment singulier qui fait l’honneur de l’Amérique du Nord, et dans lequel on dit que les soldats sont plus savants que certains académiciens.

Tous ces hommes partageaient l’enthousiasme des spectateurs de cette scène élrange et répondaient aux applaudissements de la terre par des acclamations bien nourries, auxquelles les matelots, montés dans le gréement, venaient joindre leurs cris.

Avani de suivre le Proteus dans sa carrière aveniureuse, nous devons demander à nos lecteurs la permission de leur dire, le plus rapidement possible, pourquoi ce beau bâtiment quittait Saint-Jean de Terre-Neuve, avec de tels passagers à son bord, à une saison si inusitée, et au milieu de l’enthousiasme d’une population qui ne connaîl guère d’autre passion que la soif de l’huile et la faim du poisson.

On sait que le lientenant Gharles Weyprecht, de la Marine autrichienne, a eu le génie de concevoir un magnifique plan d’études polaires. Ge vaillant marin a proposé à loutes les nations civilisées de cerner le Nord inaccessible en établissant dans la zone arctique une trentaine de stalions scienlifiques, et est parvenu à faire adopter son plan par la Conférence géodésique de Rome le 22 avril 1879, Le général Myers, fondateur et directeur du Signal Corps, qui assistait à ce congrès mémorable, fut un des plus ardents à signer l’appel en faveur d’une croisade polaire. Malheureusement, peu de temps après son retour en Amérique, ce savant fut enlevé à ses travaux par une mort inopinée,

Le capitaine Howgate, son subordonné, qui avait partagé son enthousiasme, obtint du congrès des Élats-Unis un bill pour l’établissement d’une colonie polaire à la baie de Lady Franklin, dans le but non sculement d’étudier Le elimat de celte région ot de parvenir au Pôle Nord, mais encore d’accomplir les observations météorologiques pendant la campagne qui devait duror depuis le 14 août 1882 jusqu’au 1 septembre 1883,

Après le vote de celte loi, qui eut lieu le 1‘* mai 1t80, le capitaine Howgate achela le stcamer la Guluure dans le but d’installer sa colonie avant le commencement de la période d’observalion universelle ; trois olliciers du Signal Corps, parmi lesquels le lieutenant tireely, avaient té désignés pour en faire partie. Mais le gouvernement des États-Unis trouva que la Gulnure n’avait pas les qualités nécessaires pour une expédition si dangereuse, et refusa de coopérer à son armement ; deux officiers retirèrent leur adhésion.

Néanmoins l’expédition eut lieu sous le commandement de M. Doane, qui persiste el auquel le gauvernemeni consentit à accorder un congé. On embarqua à bord de la Gulnare des provisions el une maison en bois que le capitaine Howgale avait fait consiruire dans le but de meltre les colons arctiques à l’abri des ri-



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gueurs de l’hiver dans une région où le froid est exeessif, mais où on peut le combattre grâce à la mine de houille que les marins de la Discovery avaient signalée dans le voisinage du lieu où ils avaient hiverné.

Malheureusement la Gulnare fit naufrage dans Îes environs de Godhavn, et le lieutenant Doane retourna en Amérique avec les volontaires qui l’avaient accompagné, Mais il laissa an Grocnland la maison en bois el deux intrépides qui durent aliendre dans ces régions inhospitalières l’arrivée de la future expédition. L’un était un Français nommé le docteur Pavy, ancien lieutenant de Gustave Lambert, et l’autre M. Henry Glay, petit-fils du célèbre homme d’Etat de ce nom, ous deux employèrent leurs loisirs à étudier cetle race si intéressante, chez qui se retrouvent toutes les passions des peuples civilisés. Malgré le peu de puissance que semblent devoir leur donner leurs atiraits et lc peu de grâce de leur costume presque masculin, les beaulés arcliques ne renoncent à aucune des ressources de la coquutterie. Les scènes de jalousie sont parmi elles aussi fréquentes que daus les climats les plus effervescents, ct, pour être enfoncés dans la neige, les voleans polaires ne produisent pas moins quelquefois de terribles éruptions.

Il ne s’en fallut pas de beaucoup que le dévouement de ces deux vaillants apôtres de la conquête du Pôle ne fût inutile, car de l’autre côté de l’Atlantique les expédilions polaires étaient tombées en discrédit. Mais, le président de l’Association internationale ayant rappelé Îes promesses que le gouvernement américain avail faites par l’organe du général Myers, son représentant accrédité, il fallut s’exécuter sous peine d’encourir le reproche de manquer de loyauté dans l’exéculion des engagements internationaux,

Malgré toute la résistance de M. Blaine, politicien appartenant au parti républicain, qui dirigeait lo cabinet de Washington et qui s’opposait à ce genre d’exncditions lointaines, le sénateur Conger obtint un crédit de 25000 dollars pour raccomplissement des promesses faites à la Conférence de Rome. C’était une somme bien insuffisante, et sa modicité ne permellait pas d’envoyer deux bâtiments, comme les Anglais sous le commandement de sir George Nares, ou même un seul comme les Américains lors de l’expédition du capitaine Hall.

Le général Hazen, successeur du général Myers, fut chargé de l’organisation ; il dut se monirer plus modeste el se contenter de fréter un baleinier pour transporter le plus économiquement possible les observateurs à leur destination.

Son choix se porta sur le bâtimentau départ duquel nous venons de faire assister nos lecteurs. Ge navire, du port de 467 Lonneaux, étail pourvu d’une machine forte de 110 chevaux el d’un gigantesque éperon qui lui permettait de se frayer un chemin dans les glaces. Malhourousement l’armateur avait exigé la somme de 19000 dollars rien que pour transporler l’expédition de Saint-Jean de Terre-Neuve à lu baie de