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profonds ravins qui lui servent de fossés : à l’ouest ce sont les rocs de Caussou, suite de courtines, de redoutes et de fortins, qui dominent la rive droite du Valat-Nègre ; au nord, derrière Maubert, on trouve dans les chaos appelés le Ronc et le Pet-de-Loup deux magnifiques arcades, plus belles même que celles de la Cité, et des tours de guet surveillant les aborde de la place ; à l’est, sur la rive gauche du Riou-Sec, Roquesaltes est un énorme château fort, haut de 60 mètres, jadis monolithe et actuellement tronçonné par la foudre en trois donjons isolés : son sommet (846 mètres) dépasse de 16 mètres celui de la citadelle de Montpellier-le-Vieux ; de toute la partie occidentale du causse Noir et même du Larzac et du causse Méjan on voit Roquesaltes attirer l’œil et dominer le plateau comme une fière ruine féodale.

En y comprenant ces annexes, ces faubourgs fortifiés, non moins curieux à visiter que la ville proprement dite, l’ensemble de Montpellier-le-Vieux occupe 1 000 hectares.

Faut-il maintenant décrire par le menu toutes les figures étranges qu’offrent ces roches désagrégées ? Non certes : un volume n’y suffirait pas, et au bout de quelques pages se reproduiraient périodiquement les mêmes termes de comparaison ; la variété de ces caprices naturels est plus grande que celle des expressions.

Dans mon plan d’ailleurs, que les touristes pourront désormais se procurer sur place, les principaux motifs sont indiqués par des noms caractéristiques : un petit nombre seulement des plus grands rochers avaient reçu une appellation des gens du pays ; au gré de sa fantaisie chacun pouvait donc baptiser ce qui lui passait sous les yeux. Il a bien fallu cependant, pour fixer les idées et établir des points de repère, semer çà et là des dénominations certaines ; d’accord entre eux et avec leurs guides, les premiers visiteurs en ont créé une cinquantaine aussi sobres que possible et conformes à l’aspect ou à la situation topographique de l’objet désigné. Mais il restera toujours assez de détails anonymes pour que le touriste puisse suivant son bon plaisir exercer son imagination et trouver des ressemblances.

Je ne puis qu’énumérer sommairement les principaux monuments des diverses parties de la ville : la Citadelle, qui se compose de trois rochers turriformes, la Ciutad (la Cité, 830 mètres, point culminant de Montpellier-le-Vieux), le Douminal (le Seigneur, 829 mètres), et le Corridor (823 mètres), tous noms locaux ; la Brèche de Roland sépare les deux premiers ; diverses salles (des Gardes, des Fêtes, du Festin) et avenues simulent fort bien les aménagements intérieurs d’un manoir, comme Coucy ou Pierrefonds.

L’Oulo. — Dessin de Vuillier, d’après une photographie de M. Trutat.

Dans le cirque du Lac, sorte de Colisée ou de nécropole, où fourmillent les pilastres, les cénotaphes, les couloirs et les gradins, on se fera montrer : l’Autel ou Baignoire du Diable, champignon perforé de tous côtés ; la Chapelle, abside creusée dans un rocher avec un banc de pierre comme table d’autel : l’Amphore, vase ovoïde en équilibre sur sa base érodée, dressé au bout d’une rue comme une borne géante ; l’Oulo (marmite), bloc colossal haut de 25 mètres tout usé au pied ; on l’a baptisé rocher Barbeyrac : la Cathédrale, avec sa grande nef, ses arceaux, ses collatéraux, etc. La Trappe ou Roc du Corbeau domine, semblable aux tours sarrasines des arènes d’Arles, la crête qui sépare les deux cirques du Lac et des Amats.

Les Amats représentent une place d’armes au pied d’un mur de défense, surmonté de plusieurs tours, telles que le Château-Gaillard, la Tour du Sud, etc. On y trouve l’Avenue des Obélisques, large de 50 mètres, le Grand Sphinx, le Sarcophage, la Porte de Mycènes, haute de 19 mètres, qui a exactement la coupe de celle des Lions, à Mycènes, le Canon, saillie horizontale qui semble une pièce de marine émergeant d’un sabord, la Porte double, la Tête de Chien, et cent autres accidents bizarres.

Du Cirque des Rouquettes, le plus petit mais le plus beau de Montpellier-le-Vieux, on pourrait faire un amphithéâtre, une arène pour des combats de gladiateurs ou de taureaux, en relevant quelques piliers, en rejointoyant quelques gradins, en réparant les