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ches ruiniformes de la falaise méridionale du causse Méjan sont étonnantes de formes ; l’une d’elles, située à 30 minutes du Rozier, est étrange au possible : sur une bande horizontale de rochers, formant piédestal, est posée une sorte d’urne gigantesque, haute d’environ 40 mètres, très bien proportionnée et n’attendant plus qu’un chêne ou tel autre grand arbre pour figurer un vase de portique. Quant aux arcades, aux ponts, aux fenêtres, aux aiguilles, aux accidents de tout genre de la roche, ils sont innombrables. Mais je préfère de beaucoup les rochers de la vallée du Tarn, plus simples d’allure et dont les détails souvent bizarres sont atténués par la majesté de l’ensemble. Dans la vallée de la Jonte, les jeux de la roche prêtent souvent à rire ; dans le cagnon du Tarn, jamais.

Le ciel se couvre, de gros nuages noirs menacent, le vent s’élève, mais nous sommes au Truel, et à six heures trente minutes nous entrons dans l’auberge. À peine sommes-nous à l’abri, que l’orage éclate avec fureur ; une pluie diluvienne nous cache la vue du causse Méjan et des belles terrasses de rocher du causse Noir. Un homme trempé jusqu’aux os entre dans la salle, c’est Émile Foulquier, de Peyreleau, qui m’avait servi de guide en 1883 à Montpellier-le-Vieux. Je lui offre un petit verre et du tabac et lui demande des nouvelles de Montpellier-le-Vieux. Il me répond que déjà on visite assez souvent la curieuse découverte de MM. de Malafosse et de Barbeyrac, C’est plus tard avec Foulquier que M. Martel a fait pendant plusieurs jours une exploration complète de la Cité du Diable.

Je craignais que le temps ne fût gâté, mais Foulquier m’assure que cet orage ne durera pas et que c’est un bien pour moi qu’il ait éclaté le matin : « Vous aurez moins chaud sur le causse, et, une fois que les nuages seront bien égouttés, vous pourrez partir sans crainte du mauvais temps. »

En effet, à sept heures cinquante minutes nous pouvons nous remettre en marche. Nous quittons la route de Meyrueis, et, prenant un chemin de chers, nous montons au nord, dans le ravin sans eau du Truel, ouvert dans la muraille du causse Méjan. Ce ravin, avec ses pins, ses chênes, ses beaux rochers, est extrêmement pittoresque, et d’abord les vues au sud sur les murailles et les terrasses du causse Noir sont fort belles ; mais bientôt elles sont masquées par les deux grandes parois dentelées du ravin. À neuf heures dix minutes nous atteignons le bord du causse (900 mètres), et à neuf heures vingt minutes nous entrons à l’auberge de Saint-Pierre des Tripieds ou Trépieds (949 mètres).

La muraille du causse Méjan. — Dessin de Vuillier, d’après nature.