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9 LE TOUR DU MONDE.

I

De Dutoitspan à Chechong. — A travers Le « pays de la soif ». — Épisodes de chasse. — Le bassin des Lacs-Salés. — Rencontre d’une bande de Zoulous Matabélés. — Une nuit sur un arbre aux bords du Nata.

Ge fut le : 2 mars 1875 que je partis de Dutoitspan, avec un chariot attelé de dix bœufs, emmenant un domestique nègre, appelé Pit, et un jeune Allemand du nom de Theunissen. Après un arrêt de quatre jours à Bultfontein (État libre d’Orange}, je passai, le 10, le Vaal, et arrivai à la petite ville transvaalienhe de Christiana. Le 15 au soir, j’atteignis le Hart-River. Nouvelle halte dans les plaines quaggas, au bord du lac salé de Moffat, après quoi, la rivière Maretsané traversée, on fut, le 28, près du Molapo, à la lisière ouest du Transvaal. De là nous franchîmes la ligne de faite entre le fleuve Orange et le Limpopo, pour gagner, au commencement d’avril, Jacobsdal, puis, à la fin du même mois, les bords du Grand Marico, et, le 5 mai, ceux du Limpopo.

Le 19, j’étais à Chochong, capitale des Bamangouatos de l’Est, sise sur le cours d’eau du même nom, au point de jonction des divers grandes routes de l’Afrique australe.

Là, je pris avec moi un nouveau serviteur, que Khama, le roi du pays, me prêtait.

Le 4 juin, je me mis en devoir de gagner le Zambèse. Remontant la vallée François-Joseph, nous franchimes le lendemain la passe d’Ünicorn, puis la vallée du même nom, très pittoresque à voir avec ses intumescences de roc isolées que décorent des euphorbiacées au branchage en forme de candélabre.

Le 6, par un plateau sablonneux et boisé, nous atteignimes le Leklotsé, pour gagner ensuite les puisards de Kanné, à la droite desquels se dressent en demicercle plus d’une trentaine .de hauteurs coniques qui forment trait d’union entre les collines bamangouatos et serotlés. |

Le8, j’allai jusqu’à la vallée du Louala, qui présente de fort jolis paysages. Au gué, je rejoignis deux marchands d’ivoire, dont l’un, M. Anderson, nous avertit que nous aurions à marcher deux jours et deux nuits avant de rencontrer la prochaine aiguade ; j’eus soin, en conséquence, pour épargner l’eau, de faire faire à manger pour quarante-huit heures. M. Anderson s’étant offert à nous tenir compagnie, nous continuâmes notre route avec lui vers les Lacs-Salés,

Le 10, je remontai la vallée principale du sprutt, pour atteindre le soir un plateau boisé et très sablonneux, long de cinquante kilomètres, qui appartient à la partie sud du Pays de la soif. Vu l’aridité absolue du district que nous devions traverser, 1l importait de ne pas perdre de temps ; aussi poursuivimes-nous notre marche jusqu’à la nuit noire, et, après un repos de quelques heures, la reprîimes-nous dès l’aurore pour la continuer jusqu’à la fin de l’après-midi, sauf une halte au moment le plus chaud de la journée.


Nos bêtes n’en pouvaient plus quand, le soir du second jour, nous arrivimes à la station d’eau désirée, où les marchands nous avaient devancés.

Le 13, j’étais à quelques centaines de pas du chariot, en train de pourchasser un boa dans le fourré, quand j’entendis crier derrière moi. Je retournai sur mes pas et trouvai Anderson tout en émoi. Une troupe d’autruches sauvages était apparue, se dirigeant au pas de course du côté des lagunes ; mais la vue du chariot avait effrayé ces bètes, qui s’étaient sauvées dans un bois de mimosas voisin, où nos gens étaient occupés à leur faire la chasse. Une demi-heure après, ceux-e1 revinrent, complètement éreintés ; 1ls n’avalent pas même pu approcher à portée de fusil une seule autruche.

Presque derrière eux déboucha une bande d’indigènes qui se mirent à nous interpeller bruyamment, nous disant que nous n’’étions pas le moins du monde de paisibles voyageurs, mais bien, tout comme les Boers, des chasseurs enragés après le gibier ; la preuve en était que nous n’avions pu voir passer les autruches sans nous lancer immédiatement à leurs trousses ; et, là-dessus, ils nous pressèrent de partir au plus vite, sans vouloir nous accorder une prolongation de séjour.

Le lendemain donc, au matin, toujours en société d’Anderson, nous reprîimes notre route vers le nord, pour gagner une source, sise à Ssolxante-Cinq où soixante-dix milles de distance, que les Boers appellent Bergfontein. Des elairières buissonneuses ou herbues alternaient avec des forêts de mapamis, et les pistes de gibier abondaient de plus cn plus. On croisa une troupe d’indigènes (Makalaharis et Masarwas) qui s’en allaient, armés de zagaies, à la chasse à l’élan.

De toutes les antilopes, l’élan est celle qui est le mieux en chair ; le mâle notamment a autour du cœur une poche de graisse pesant jusqu’à vingt-cinq livres, qui ralentit d’autant sa fuite. Ces bêtes ont du reste l’halcine si courte, que les agiles Masarwas les rattrapent et les percent à la course. Les Boers et les Anglais les rabattent à cheval jusqu’à leurs chariots, pour les tuer là à coups de fusil, et s’épargner ainsi la peine d’en transporter la chair et la peau.

Le 17, on arrive à Bergfontein. La source, qui jaillit d’une pente boisée, est considérée par les indigènes comme étant celle de la petite rivière Nokané, laquelle couleau nord à l’époque des pluies. Le versant crevassé et touffu de la colline forme la plongée de la plaine de Maqué, que nous venions de traverser, dans le bassin des grands Lacs-Salés. Un épais bouquet de palmicrs flabelliformes, qui se dresse non loin de la rive du spruit, salue ici le voyageur arrivant du sud, et le prépare aux merveilles de la flore tropicale que ses yeux n’ont pas encore contemplée. Ges palmiers, qui dominent de haut tout le fourré d’alentour, sont peut-être, en cette partie de l’Afrique, les représentants les plus méridionaux de leur espèce. Comme justement il y pendait des fruits mûrs, j’en arrachai quelques-uns pour ma collection de botaniste. Une abondante touffe