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taine de personnes des doux sexes, aux équipements les plus élégants et les plus variés. La variété vient surtout de la manière tout originale dont chacun porte Îles différentes pièces du vêtement nalional, depuis Îa fchoka circassienne et le long gilet à manches qu'on nomme aghalouki, jusqu'au bachlik traditionnel ; 1l se produit là, rien que dans la façon de se mettre, des diversités tellement pittoresques, qu'on croirait voir autant de costumes particuliers qu'il v a de chevauchcurs. La chaussure se compose de guètres de peau qu’on appelle mesti et de souliers (sougha) sans semelles, sans élastiques ni boutons, recourbés en pointe par devant, et serrant le pied, qu'ils dessinent à son avantage.


LE -TOUR DU MONDE.

Le chef du district (sous-préfet) organisa en mon honneur une cavalcade de cette sorte, et, comme lui- mème y figurait de sa personne, tout prit aussitôt, comme bien on pense, une allure officielle. Ce fonc- ionnaire est comme un petit roi dans le pays: à chaque village qu'il traverse, maires ct édiles vien- nent à sa rencontre et lui font cortège. D’une localité

à l'autre jusqu’au terme du voyage, sa suite s’en va

ainsi grossissant, Arrivée au lieu désigné, la troupe entière s’attable au festin dressé sous les charmilles d’un enclos. Le repas fini, on s’étale sur l'herbe ou plutôt sur les tapis qui la recouvrent, pour goûter un moment les douceurs de la sieste; puis s’entament, avec Pentrain habriuel, les danses de la éamasha de


Costume de cheval des Mingréliennes, — Dessin de Pranishnikoff, d'après une photographie de M. Ermakoff.

rigueur. Le retour n’est pas moins charmant que l'aller. Bref, l'absence absolue de gène et de contrainte est le principal attrait de ces fêtes, qui toutes m'ont laissé les meilleurs souvenirs.

Enfin arriva pour moi le moment de dire adieu à la Mingrélie. Mon intention avait été d’abord de re- tourner à Tiflis, pour me rendre de Là au Daghestan, avec la femme du gouverneur de ce pays; mais mes amis de Zougdidi insistèrent pour me faire changer de dessein et remettre à plus tard mon excursion à la terre des Lesghiens. Ils me dirent que, pour rien au monde, je ne devais quitter Le Caucase sans avoir fait un tour en Abkhasie, une de ses provinces les plus digues d'intérêt. Je me laissai d'autant mieux per-


suader, que ce que j'avais déjà vu de la contrée avait mis en haleine ma curiosité. Je pris done congé de mes hôtes, et, franchissant la rivière Ingour, je m’en- fonçai dans le Samourzakan.

Ge fut là mon premier pas vers l’'Abkhasic. J'espère que mes lecteurs voudront bien m’y suivre.

Je ne fus pas malheureuse au milieu de cette peu- plade mi-sauvage qui me témoigna beaucoup d’in- térêt, mais je dus ÿ subir une privation bien dure pour une femme. J'ignorais absolument la langue du pays, et je fus obligée, me croira-t-on? de rester trois mois sans parler.

CARLA SERENA.