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de l’Assiniboine » au lac Winnipeg. Un certain nombre d’entre eux, ainsi que beaucoup des Orcadiens employés au service de la Compagnie de la baie d’Hudson, s’allièrent avec des Indiennes, et donnèrent naissance aux « métis écossais » ou « anglais », deux ou trois fois moins nombreux dans le Nord-Ouest que les métis français, et que leur caractère plus sédentaire, leur goût plus prononcé pour les occupations agricoles, ont fixés pour la plupart dans le district de la Rivière Rouge.

De 1814 à 1868, la petite colonie ne s’était guère accrue (que par l’adjonction d’anciens serviteurs de la Compagnie de la baie d’Hudson, presque tous Écossais des Îles Orcades, et de quelques rares immigrants du haut Canada. Cet accroissement lui-même était compensé par les départs de métis français que leur esprit aventureux et l’éloignement progressif des grands troupeaux de bisons entraînaient plus à l’ouest. En 1868, la Rivière Rouge, appelée officiellement colonie d’Assiniboine, comptait à peu près onze mille habitants, dont un peu moins de la moitié d’origine métisse française, le reste Anglais, Écossais, métis anglais et Indiens de différentes nations indigènes, occupant un territoire d’environ trois à quatre millions d’hectares d’étendue nominale, où il n’y avait d’habitations que le long des deux grands cours d’eau.

Mac-Dougall. — Dessin de E. Ronjat, d’après une photographie.

Presque tous les Français vivaient entre Pembina et Fort Garry, sur les deux bords de la Rivière Rouge, dans les paroisses de Sainte-Agathe, Saint-Norbert, Saint-Vital et Saint-Boniface, et aussi sur l’Assiniboine jusqu’à Portage la Prairie. Les métis anglais occupaient la rive septentrionale de l’Assiniboine, en amont de la Prairie du Cheval-Blanc, aujourd’hui Saint-François-Xavier. On en trouvait aussi vers le lac Manitoba et près du groupe écossais installé sur le cours inférieur de la Rivière Rouge, jusqu’à son embouchure dans le lac Winnipeg. Enclavés au milieu des paroisses écossaises, un millier de Maskégons ou Saulteux des marais, catéchisés par les ministres de l’Église d’Angleterre, et devenus agriculteurs, formaient la paroisse de Saint-Peters. Enfin les émigrés du Canada anglais s’étaient massés autour de Portage la Prairie dans le haut de la rivière Asiniboine, où ils avaient créé de fort belles fermes. Portage la Prairie fut un moment, en 1868, le centre d’un gouvernement provisoire soutenu par tous les adversaires de la Compagnie de la baie d’Hudson. Mais le président élu de cette demi-république, M. Thomas Spence, ayant notifié son avénement au ministère des colonies d’Angleterre, reçut avis de l’illégalité de son entreprise et se retira aussitôt. C’est alors que pour la première fois on désigna la colonie de la Rivière Rouge sous le nom de Manitoba, d’après un grand lac situé à l’ouest du lac Winnipeg ; le vrai nom indien, Manitowapaw, signifie « détroit de Manitou » ou détroit extraordinaire, surnaturel, à cause de l’agitation souvent très-violente des eaux attribuée par les Indiens à l’influence des esprits.

Sous la Compagnie de la baie d’Hudson, le gouvernement était en quelque sorte une domination patriarcale. Théoriquement, elle possédait tous les droits souverains ; pratiquement, la liberté était illimitée ; et dans leur isolement, ces pauvres chasseurs demi-nomades jouissaient d’un « manque d’institutions » parfaitement approprié à leur organisation sociale. Ils s’en montraient généralement fort satisfaits.

En 1867, aussitôt après la confédération des provinces du haut et bas Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, les hommes d’État de la nouvelle « Puissance » pensèrent à s’ouvrir de plus vastes perspectives. Au dire de certains explorateurs, les territoires de chasse de la Compagnie de la baie d’Hudson, situés à l’ouest du lac des Bois, renfermaient une zone fertile de plusieurs centaines de millions d’hectares, destinée à rivaliser avec le Far West américain. Ces évaluations étaient fort exagérées ; néanmoins le rachat du privilége territorial de la Compagnie fut bientôt l’objet de négociations qui aboutirent à la cession au Canada, au prix de sept millions cinq cent mille francs, de cet immense domaine de sept millions de kilomètres carrés. La Compagnie se réservait tous ses postes commerciaux, ce qui lui laissait la certitude de réaliser encore de beaux profits.

C’était principalement l’opinion publique d’Ontario qui avait poussé le gouvernement canadien à cette acquisition. Entreprenants, énergiques, âpres au gain,