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mençait en ce moment un grand voyage de chasse et d’instruction dans les Prairies de l’Ouest.

Quoique Winnipeg fût, à proprement parler, le terme de mon voyage, on tenait à me faire voir complétement le pays. Provencher parlait déjà d’organiser une excursion jusqu’au fort Alexandre sur le lac Winnipeg, d’autres m’engageaient à remonter le long de l’Assiniboine jusqu’à Portage la Prairie, centre des nouveaux établissements fondés par les émigrants d’Ontario. Mais vers ce moment mon étoile commença à pâlir, et la bonne chance qui avait secondé jusque-là toutes mes entreprises dessina un mouvement de retraite des plus prononcés. L’automne, ordinairement fort beau dans ces régions, ne fut cette année, à partir de la mi-septembre, qu’une succession d’averses qui rendirent les routes de la Prairie presque impraticables aux voitures.


XV

Coup d’œil rétrospectif. — Les premiers explorateurs français du Nord-Ouest. — La Vérandrye. — Les Bois-Brûlés, — Rivalités des grandes compagnies. — Bataille des Sept-Chênes. — Lord Selkirk. — Manitoba. — Cession du Nord-Ouest au Canada. — Discordes civiles. — M. W. Mac-Dougall. — Provencher en péril, — Un gouverneur morfondu. — Gouvernement provisoire à la Rivière Rouge. — Émeutes anglaises. — Le drapeau blanc fleurdelisé emblème révolutionnaire. — Exécution de Thomas Scott. — Expédition de sir Garnet Wolseley, — Intervention de Mgr Taché. — L’invasion féniane. — Les Irlandais au Nord-Ouest. — Arrestation d’Ambroise Lépine. — Un tribunal polyglotte.


Les premiers Français qui dépassèrent vers l’ouest les rives du lac Supérieur furent des coureurs des bois et des missionnaires. En 1654, deux jeunes traitants en fourrures, dont les noms ne paraissent pas avoir été conservés, pénétrèrent pour la première fois jusqu’au pays des Sioux. Le missionnaire Mesnard suivit bientôt leurs traces et périt d’une mort inconnue. Dès lors se succédèrent les expéditions qui amenèrent la découverte du Mississipi et du cours supérieur de la Rivière Rouge.

Une rue de Winnipeg (voy. p 258). — Dessin de H. Clerget, d’après une gravure américaine.

D’autre part, en 1670, le roi Charles II, l’avant-dernier des Stuarts, avait octroyé à son frère Rupert et aux « aventuriers d’Angleterre », ses associés, le privilège de la traite des fourrures sur les côtes de la grande baie — ou plutôt de la mer — découverte par le navigateur Hudson. Ce fut l’origine de la puissante Compagnie de la baie d’Hudson. Le territoire actuel du Nord-Ouest canadien se trouva ainsi entamé au nord comme au sud par les explorations des blancs, mais il ne paraît pas que jusqu’en 1771 la Compagnie anglaise ait étendu fort avant dans l’intérieur ses opérations de traite, et ce n’est qu’en 1731 qu’un jeune seigneur bas canadien, M. de Varennes de la Vérandrye, accompagné d’un missionnaire, le P. Messager, et de quelques hommes, franchit pour la première fois la Hauteur des Terres au nord-ouest du lac Supérieur. Dans une première expédition, il reconnut le cours de la rivière Winnipeg, les bords du lac du même nom, la vallée inférieure de la Rivière Rouge et celle de l’Assiniboine jusqu’à la rivière des Cygnes. Dans un second voyage il remonta la Saskatchewan jusqu’au pied des montagnes Rocheuses. En 1736, un des fils de l’intrépide explorateur fut tué par les Sioux dans une île du lac Lacroix, l’une des nappes d’eau traversées aujourd’hui par la route Dawson.

L’itinéraire de la Vérandrye dut être utilisé de bonne heure par une foule de traitants et de coureurs des bois, car, en 1763, lors de la cession du Canada à l’Angleterre, il y avait déjà sur la Rivière Rouge et la Saskatchewan plusieurs établissements français, appelés fort Bourbon, fort Dauphin, fort la Reine. Suivant leur coutume, les chasseurs canadiens ne tardèrent pas à contracter de nombreuses unions parmi les tribus indiennes du nouveau territoire. Au commencement du dix-neuvième siècle nous trouvons déjà