hivers à peine et fière du nom qu’elle porte en l’honneur de l’illustre amiral, émule et compagnon du vainqueur de Trafalgar.
Ainsi, je venais de faire plus de six cents kilomètres à travers la partie la plus fertile et la plus peuplée d’Ontario, et cependant cette riche province ne me laissait qu’une impression bien fugitive. Ce qui manque à ses paysages, ce sont les montagnes. On y soupire après quelque accident de terrain qui repose la vue d’une monotone succession d’enclos rectangulaires. Un pays ne peut se passer de montagnes ; la majesté des grands lacs n’en saurait tenir lieu. À quoi ressemblerait le lac de Genève sans le Jura, le Jorat et les Alpes savoisiennes ? À un étang vulgaire. Vu du rivage bas qui forme sa ceinture, le grand lac Ontario lui-même ne paraît pas autre chose.
À quelques lieues de là, au fond de la baie Matchedash, les cantons de Tay et de Tiny renferment un groupe d’environ deux mille cinq cents Canadiens-Français dont l’établissement dans ces parages est, m’a-t-on dit, fort ancien. Chaque année d’ailleurs ils sont renforcés par un certain nombre de leurs compatriotes, surtout par d’anciens voyageurs du Nord-Ouest.
Une ligne de beaux vapeurs fait pendant tout l’été un service régulier le long du littoral canadien des grands lacs, entre Collingwood et Duluth à l’extrémité du lac Supérieur. Le parcours est de 1 100 kilomètres en ligne directe, de 1 350 en tenant compte des détours causés par les escales. La variété des sites, la fraîche atmosphère des lacs, l’attrait d’une navigation sur les plus splendides nappes d’eau douce qui soient au monde, tout a concouru à faire de ce voyage un des passe-temps favoris des riches habitants du haut Canada. Le tour des lacs remplace pour eux notre traditionnelle descente des bords du Rhin — moins, bien entendu, les grands souvenirs historiques et les vieilles ruines féodales.
Le vapeur sur lequel j’allais m’embarquer reproduisait, avec un peu moins de richesse peut-être, les aménagements si commodes et si pratiques des grands bateaux du Saint-Laurent ; il se nommait le Francis Smith. De nombreux passagers remplissaient déjà le salon ; « l’éternel féminin » surtout était brillamment représenté par un essaim de blondes Anglaises et d’Américaines brunes ou blondes.
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Sans trop se presser, le Francis Smith mit quatre