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8 LE TOUR DU MONDE.

3 mai. - Fait halte dans un village makoa dont le chef est une femme. Les Makoas ou Makoanés se reconnaissent à une demi-lune en tatouage qu’ils portent sur le front ou ailleurs.

Une femme à l’air maternel s’est approchée et m’a offert de la farine ; d’autres femmes avaient donné à manger a nos hommes et n’avaient rien reçu en retour ; celle qui m’apportait de la farine ne pensait donc pas à la vendre. Je lui ai dit de me l’envoyer par son mari et que je l’achèterais ; j’aurais mieux fait de l’accepter.

Beaucoup de Makoas ont la figure tatouée de lignes doubles et saillantes d’un demi-pouce de longueur. Quand 1’incision est faite, le charbon y est introduit, et les chairs sont pressées de manière à obtenir une cicatrice en relief ; cela donne au visage quelque chose de hideux et cet air rébarbatif que nous ont transmis les portraits de nos anciens rois.-Li mai. De grosses mouches piquent les buffles ; le sang qui s’échappe des piqûres est de couleur artérielle. Notre bufflonne à une inflammation de l’œil gauche et le bassin gonflé, près des lombes. Le buffle gris est malade, ce que j’attribue à une surcharge excessive. Les chameaux ne

semblent pas éprouver les effets de la mouche ; mais leurs affreuses plaies et ’§ les mauvais traitements les épuisent. Aucun symptôme de la tsétsé chez

les ânes et les mulets ; mais un de ces derniers à une luxation de l’epaule. Vu la dernière des rangées de collines dont la rivière est flanquée au

nord. En face de nous est une plaine (l’où surgissent des pics granitiques. A Nyammba, où nous avons passé la nuit, se trouvait une doctoresse ayant la spécialité de faire pleuvoir ; elle m’a donné un grand panier’de soroko (le’mung de 1’Inde). C’est une belle femme, grande et bien faite, jolie jambe, joli pied et tatouée à profusion ; les lèvres elles-mêmes ont leur dessin finernent élaboré, ainsi que la partie postérieure du corps, - nulle pudeur dans ce pays-ci.

Après avoir laissé derrière nous l’extrémité de la chaîne, et allant toujours à l’ouest, nous avons trouvé d’abord un grès durci par le feu ; puis des masses de granit, comme si la force ignée qui a produit le métamorphisme partiel du grès avait réside dans ces masses. Après cela, le granit ou la syénite est couvert de stries comme si la roche avait été fou/


due.

Avec le changement de structure géologique nous végétation différente : au lieu des arbres à feuilles de laurier du terrain précédent, nous rencondalbergias, des acacias et des mimosas ;

1’herbe est moins haute et nous pouvons marcher sans avons une

trons des

couper de bois.

6 mai. - Encore la tsötsé. Nos bêtes ont l’allure Liane épineuse paraissant sa [01-, Im pour mieux blesser.

somnolente ; la bufflonne a l’œil trouble, et quand ou la pique, il sort de la peau un filet de sang d’un rouge écarlate.

Les naturels paraissent intelligents. Il serait intéressant de connaître leurs idées, de savoir ce qu’ils ont appris dans leur communion avec la nature pendant tant de siècles. Leur manière d’être ne rappelle en rien ce mépris de la vie humaine dont les exemples remplissent les chroniques des âges ténébreux de notre histoire. Mais je n’ai pas d’interprète, et bien que je puisse m’entendre avec eux pour les sujets ordinaires, cela ne suffit pas.

7 mai. - Un des chameaux est mort cette nuit ; ce matin le buffle gris a des convulsions. Je m’attends a perdre encore un buffle, un mulet et d’autres chameaux. Les cipayes, par leurs cruautés, faussent mon expérience. Dès que je ne suis pas avec eux, ils s’arrêtent ; et pendant qu’ils furent et qu’ils mangent, ils laissent les pauvres bêtes en plein soleil, sans les décharger. Ils ne marchent pas, ils musent et ne veulent faire aucun effort, pas même porter leurs sacs et leurs ceintures. Une seule chose les occupe : c’est de manger ; ils ont pour cela des facultés surprenantes. Le climat n’aiguise pas 1’appélit, mais ces gens-là mangent quand

même ; ils s’emplissent jusqua ce que le débordement se produise ; et lorsqu’ils ont vomi et se sont purgés, ils

recommencent.

s A vol d’oiseau, nous n’avons pas fait, en moyenne, plus de six at sept kilomètres par jour, et mes bêtes sont fréquemment restées huit heures de suite au soleil portant leur chargo. Enimeuer de pareilles gens est une grande méprise.

9 mai. - Laissé hier à Liponndé les cipayes avec leur havildar, les Nassickais et les aminaux, afin de traverser promptement l’endroit où il n’y a pas de vivres, et l’envoyer au sud et à l’ouest chercher des provisions. Quand les bêtes se seront reposées, on nous les amènera.

Je suis parti avec les Anjouannais et les vingt-qua » tre porteurs ; c’est un plaisir de s’éloigner des autres. Une marche agréable de huit heures nous a conduits àMoïdala où nous avons couché. La roche est toujours de la syénite.

En surcroît des Mazitous, qui ont passé dans le pays comme une nuée de sauterelles, les champs souffrent de l’une de ces sécheresses inexplicables auxquelles sont sujettes certaines parties restreintes, et quelquefois de larges portions de cette contrée. Les roseaux, qui, près de la côte, nous ont tant fatigués, n’existent pas ici ; 1’herbe est sèche, beaucoup de plantes sont mortes et les arbres n’ont plus de feuilles. Tous les ruisseaux que nous avons franchis ne sont que des torrents dont le lit sableux est at sec, et où les indigènes font des trous pour avoir de l’eau.