Page:Le Tour du monde - 29.djvu/32

Cette page n’a pas encore été corrigée

le soleil, aspire de loin avec ardeur au moment où il pourra se reposer sous ces verts ombrages, et s’y rafraîchir avec les fruits et le laitage qu’on y trouve en abondance. Le soir, après une journée peu fructueuse de chasse entomologique, nous arrivâmes à Oscheti. Là, ce ne sont plus seulement des vergers, c’est une véritable forêt d’arbres fruitiers qui, à cette époque de l’année, offrent aux passants leurs fruits abondants et savoureux, dont le fardeau fait ployer les branches jusqu’à terre.

Lorsque le soleil est couché, de tous les villages de la vallée partent des caravanes d’ânes chargés de fruits. Les habitants profitent de la fraîcheur des nuits pour franchir la plus grande partie de la distance qui les sépare d’Erzeroum.

Beaucoup de riches propriétaires de vergers ont quatre, cinq ou six épouses; c’est pour eux une grande économie. Ils emploient ces femmes au travail de la cueillette. En tous lieux où la polygamie est en usage, les femmes sont réduites à la condition de servantes. C’est ce qu’on observe chez les Mormons aussi bien qu’en Orient.

Tous les fruits qui ne sont pas vendus frais pendant l’été, et notamment les mûres et les abricots, sont séchés au soleil et conservés pour être vendus pendant la mauvaise saison.

Le 2 juillet, nous partons pour Issa, petit village situé sur les bords du lac. Nous suivons le lit du Thortoum-sou, qui coule entre des rochers escarpés. Plus de dix fois nous passons cette rivière à gué; enfin nous arrivons à un élargissement assez considérable de la vallée, et, après avoir traversé des prairies en partie inondées, nous côtoyons le lac, que nous laissons à notre gauche, pour aller, à un kilomètre plus loin, chercher un gîte à Issa.


[Image]
Noyers à loupes.


Je passai quatre jours dans ce village, poursuivant mes recherches zoologiques sur les rivages du lac. Le 5 juillet, j’étais de retour à Serah, et, m’avançant à petites journées vers Erzeroum, j’y arrivai le 10; on compte vingt heures de marche de cette ville au lac de Thortoum.

L’été dure peu sur les plateaux de l’Arménie, et dès le mois d’août on voit se flétrir et se sécher les herbes et les plantes qui, à la fin d’avril, secouaient à peine leur linceul de neige.

Je n’avais donc pas à espérer beaucoup de ce que j’aurais pu faire de recherches dans la campagne, et je résolus à regret de retourner à Trèbizonde pour y continuer ensuite mes chasses sur le versant nord de la chaîne des montagnes du Lazistan[1], où l’automne était, m’avait-on assuré, la plus belle saison.

Le 15 juillet, je quittai Erzeroum.

Le consul de France, M. Eynaud, voulut bien m’accompagner jusqu’à Ilidja. Ce ne fut pas sans un véritable regret que je me séparai de lui, après l’avoir sincèrement remercié de son excellent accueil, de ses conseils et de tous ses services.

Th. Deyrolle.

(La suite à une autre livraison.)

  1. On désigne sous le nom de Lazistan la partie de l’Arménie turque située entre les vallées du Charchout-sou, du Tschorock-sou et le rivage de la mer Noire (voy. la carte p. 3).