Page:Le Tour du monde - 29.djvu/3

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

diés en Europe pendant cette période de quatre années ; mais tant de massacres imprudents ont considérablement diminué le nombre de ces oiseaux, et l’on peut prévoir l’époque prochaine où ils auront à peu près disparu des rivages de la mer Noire.


III
Le Giaour-Meïdan au point de vue utile et agréable. – Caravanes.


Non loin du port, un chemin abrupt longe l’arsenal militaire et mène à la grande place du Giaour-Meïdan, que traverse d’une extrémité à l’autre la route neuve d’Erzeroum. Dans un des coins de cette place, s’éleve une mosquée (voy. p. 13). Aux alentours sont construits des khans, des caravansérails et un hôtel franco-italien, sorte de locanda levantine, plus confortable qu’on ne saurait s’y attendre dans une ville turque de troisième ordre. C’est aussi dans le voisinage du Giaour-Meïdan que se trouvent tous les consulats et toutes les agences maritimes, ainsi que les maisons des riches négociants arméniens et grecs. Beaucoup moins pittoresque que le quartier du grand bazar et de la ville fermée, cette partie de Trébizonde leur est supérieure au point de vue de la propreté : on y sent l’influence de la civilisation européenne.


[image]
Gravé par Erhard


Le dimanche et les jours de fête, le Giaour-Meïdan semble être le lieu de réunion favori des habitants du quartier ; de nombreuses familles arméniennes et grecques se plaisent à y exposer leurs plus beaux atours, et l’on peut dire que cette promenade, surtout depuis qu’on y a planté quelques arbres, est pour la société européenne, peu considérable d’ailleurs, les Champs-Élysées de Trébizonde.

J’ai vu plusieurs fois avec intérêt, sur cette vaste place, des caravanes venant de la Perse ou de différents points de l’intérieur. Plus d’un millier de bêtes de somme, entravées par les pieds, s’alignaient sur des cordes tendues à la surface du sol. Les catterdjis et les devedjis (muletiers, chameliers) arabes, turcs, persans, kurdes ou arméniens, allaient et venaient autour de leurs animaux, criant contre l’un, frappant l’autre, serrant les sangles ou débouclant les bâts, passant au cou d’une mule une mesure d’orge ou présentant à un chameau une brassée de paille de maïs, grossière nourriture qui pour la pauvre bête était un vrai régal.

La plupart de ces animaux étaient couverts d’un harnachement enrichi de broderies de laine de couleurs variées, de pompons ou de tresses garnies de