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le gouvernement coréen avait répandu un manifeste pour repousser et flétrir toute tentative de compromis avec l’envahissement européen. On le voit, nous n’avions pas eu le bonheur de nous faire aimer pendant notre séjour. Trop souvent l’Europe se montre pour la première fois aux peuples étrangers avec le caractère de la violence et des prétentions despotiques. Du moment qu’un pays n’a pas le bonheur de posséder des télégraphes électriques et que les principes de sa civilisation diffèrent des nôtres, nous nous croyons permis de violer à son détriment toutes les règles du droit des gens. Il est surtout pénible d’être amenés à verser le sang au nom des doctrines pures et élevées qui, par leur nature même, ne devraient jamais obliger de recourir à ce triste et douteux moyen de persuasion que l’on nomme « la force ».

Quoi qu’il en soit, dans l’état de choses actuel, la Corée ne peut tarder à s’ouvrir volontairement, ou sous l’empire de la contrainte, au commerce occidental. Sa position entre deux pays dont les relations s’étendent chaque jour davantage et qui semblent avoir définitivement renoncé au système d’exclusion lui en fait presque une nécessité. Il est difficile à ceux qui ont le sentiment délicat et le goût de l’art et de la variété de ne pas éprouver d’abord et avant toute réflexion un certain regret en voyant les influences européennes de toute espèce pénétrer partout. Assurément la civilisation et la science ont tout à y gagner, mais aussi les caractères des peuples s’effacent et leur originalité se perd. Les nobles Japonais ne s’affublent-ils pas déjà de nos pantalons et de nos redingotes !


Jonque coréene. — Dessin de Th. Weber, d’après M. Zuber.


Il reste sans doute encore bien du chemin à parcourir avant que l’uniformité règne sur la terre, et les contrées inexplorées sont encore assez nombreuses pour répondre à tous les désirs des voyageurs. Aussi laissons de côté les vains regrets des hommes d’imagination pour exprimer le vœu que la France, renonçant à son rôle trop désintéressé, prenne une plus large part au mouvement commercial européen qui tend chaque jour davantage à se répandre sur le monde entier.

H. Zuber