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ques mois après une herbe différente remplace en grande partie la première.

L’île Ducos contient aussi de petits filons de cuivre natif, carbonaté bleu et vert oxydulé,  etc. C’est là que pour la première fois j’ai trouvé du cuivre en assez grande abondance ; malheureusement aucune fouille importante n’a pu être opérée ni dans ce filon même, ni dans les environs.

La planche de la page 25 représente M. Martin G., le propriétaire des troupeaux de l’île Ducos. Il est à cheval et surveille au bord de la mer la construction d’une case qu’élèvent des naturels des Nouvelles-Hébrides engagés pour quelques années. J’ai passé plusieurs jours sous le toit de ce jeune Anglais, qui a transplanté sur cette plage lointaine les meilleures traditions d’hospitalité de notre vieille Europe.

L’île Ducos est, paraît-il, la première terre de la côte ouest où les Anglais abordèrent. Les Français ne s’avancèrent pas dans la baie de Saint-Vincent, à laquelle ils donnèrent le nom de Havre trompeur, à cause probablement du nombre assez considérable de bancs de sable et de récifs qui s’y rencontrent. En revanche les Anglais trouvèrent dans l’île Ducos un port petit, mais excellent. En s’y dirigeant du large on distingue, étagées l’une derrière l’autre, les rangées de montagnes qui forment la charpente de la Nouvelle-Calédonie.

Quoique la plaine de Saint-Vincent soit déjà à une certaine distance de Nouméa, tous les jours de nouveaux colons viennent s’y établir, et je ne doute pas que dans quelques années ils ne se trouvent assez nombreux dans cette plaine large, fertile et bien arrosée, pour qu’il s’y crée une petite ville. Les naturels ne sont pas rares dans ces parages, mais ils sont dispersés en petits villages dans la plaine, au bord des rivières ou sur le rivage.

Au nord de la baie de Saint-Vincent se trouve la petite tribu de Ouitchambo, dont une partie vit au bord de la mer sur une plage assez vaste et marécageuse. Je la visitai un jour et je reconnus en elle une des plus misérables de la Nouvelle-Calédonie. Cependant, en parcourant le sol qu’elle habite, j’y vis de belles plaines
Vue des montagnes habitées par la tribu de Jacques Qouindo (prise du large).
quelque peu accidentées, bien arrosées et complétement négligées par les Européens, quoiqu’on n’y soit pas très-loin de Nouméa, ce qui devrait pousser à la colonisation de ces parages.

À dix heures environ au nord de la baie de Saint-Vincent, on rencontre une deuxième baie au fond de laquelle est un village. C’est Houraye, dont les cases
Vue de la baie de Saint-Vincent (prise du large).
sont échelonnées le long d’une large rivière qui, suivant le fond d’une riche et belle vallée, remonte vers l’intérieur dans la direction de Kanala et offre ainsi la voie la plus naturelle et la plus facile pour traverser l’île d’une côte à l’autre.

Les habitants de ce village, comme tous les Calédoniens qui habitent près de la mer, sont plus pêcheurs que cultivateurs. Quoiqu’ils fussent à cette époque la dernière tribu de la côte occidentale avec laquelle on eût encore quelques relations, ils se montrèrent toujours dévoués et bons à mon égard.

En jetant les yeux sur la carte de cette colonie, on comprend de suite la raison pour laquelle on a jusqu’ici très-peu exploré les parages de la côte ouest. Dans toutes les autres parties de l’île les récifs laissent entre eux et le rivage un large canal, mais ici ils commencent à se rapprocher beaucoup de la terre sur un espace de plusieurs lieues (jusqu’au village d’Houraye), puis ils se joignent au rivage lui-même ou bien n’ont aucune régularité, se divisant en mille bancs qui forment autant d’écueils dangereux.

Les environs des récifs sont ordinairement très-poissonneux. J’ai été témoin de bien des pêches où l’on n’avait qu’à laisser tomber la ligne pour prendre du poisson. Quelques-uns étaient énormes et pesaient jusqu’à soixante livres. Mais il faut ici se défier de ceux que l’on ne connaît pas bien. Il est même toujours prudent de ne pas y goûter avant qu’un kanak les ait déclarés bons, et encore quelquefois les hommes du pays s’y trompent-ils, car tel poisson bon à une époque ne l’est plus à une autre. On attribue ces changements de la qualité des poissons à leur nourriture aux diverses saisons de l’année. Quoi qu’il en soit, les Européens ont eu fréquemment à déplorer la mort de quelques-uns des leurs empoisonnés par le poisson.

Un exemple des plus douloureux est celui offert par