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II


Navires en rade. — Propriété du guano. — Nature de cet engrais. — Comment il s’est formé. — Les oiseaux chasseurs de poissons. — Pourquoi le guano des Chincha est le meilleur. — Autres gisements d’engrais fossile. — Un avis de la Providence. — Le guano et les Incas. — L’exploitation aux îles Chincha. — Les travailleurs chinois. — L’emploi du guano retrouvé à notre époque. — Ce qu’en retire le gouvernement péruvien. — Quelques chiffres cités en passant.

Les îles Chincha sont au nombre de trois. Il y a la Chincha du Nord, celle du milieu et celle du Sud. Partout, au mouillage de ces îles, surtout des deux premières, sont ancrés les navires à voiles, venus de tous les ports du globe. C’est une véritable flotte, et chacun attend son tour de chargement.

L’Amérique du Nord, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, toutes les colonies de l’Inde, toutes les colonies des Antilles, envoient charger le guano aux îles Chincha[1].

Qu’a donc de particulier ce précieux fumier ?

Il jouit de la propriété de doubler, de tripler et souvent de quadrupler les récoltes. Les îles de la mer des Indes, l’île de la Réunion (notre ancienne Bourbon), l’île Maurice (notre ancienne île de France), le savent bien [2]. Partout dans ces deux colonies, on a fécondé les champs de cannes par l’emploi du guano. Dans les
Chargement du guano dans les wagons. — Dessin de A. de Neuville, d’après une photographie.
Antilles, par exemple à l’île de Cuba, où la canne à sucre, comme dans les îles de l’océan Indien, trouve un sol qu’elle affectionne, le même phénomène a eu lieu.

Sur d’autres points, c’est le blé, le maïs, la betterave, qui ont, par l’effet du guano, donné de fabuleux rendements. Aussi voyez comme tous les peuples cultivateurs ont à l’envi adopté cet engrais fossile. Tous ont envoyé leurs navires aux Chincha, tous en attendent impatiemment le retour.

Mais qu’est-ce donc que le guano ?

Un engrais animal, pétrifié, mêlé d’ammoniaque et

  1. Le Moniteur du 5 février 1867 contient un décret portant promulgation de l’arrangement conclu, le 2 décembre 1866, entre la France et le Pérou, et relatif à l’importation en France du guano péruvien. Il y est stipulé : 1o que le guano importé du Pérou, sous tous les pavillons, sera admis en franchise de droits de douane dans les ports de France et dans ceux des colonies françaises ; 2o que le prix de vente du guano péruvien en France et dans les colonies françaises, quelle que soit la qualité vendue, sera réduit à trois cents francs par chaque tonne de mille kilogrammes ; 3o que dans le cas où le prix de vente de ce guano sur les marchés d’Europe viendrait à être augmenté ou diminué, le prix de trois cents francs fixé pour la France sera élevé ou abaissé dans la même proportion, et qu’il en sera de même dans les colonies françaises, en cas d’augmentation ou de diminution des prix de vente actuels sur les marchés des possessions anglaises voisines.
  2. Voir notre voyage à l’île Bourbon, Tour du Monde, année 1862.