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dont le plus grand diamètre mesure quinze mètres trente centimètres. C’est au milieu de ce bassin que se trouve la bouche du Geiser, cheminée ronde, perpendiculaire, d’un diamètre de douze pieds.

À quarante mètres du grand Geiser, se trouve le Strockur. Celui-ci n’a pas eu le temps de se former un cône ; sa bouche, de deux mètres de diamètre, s’ouvre à fleur de terre et c’est ce qui le rend plus effrayant. À une profondeur de huit pieds les eaux bouillonnent sans cesse entre les parois unies : malheur à qui tomberait dans cette chaudière !

Le grand Geiser n’a que des éruptions irrégulières et facultatives. C’est en vain qu’on essayerait de les provoquer. Pour jouir d’un de ces beaux effets il faut attendre son bon plaisir. Le Strockur est plus docile. Il suffit de lancer dans sa bouche quelques mottes de gazon, et, au bout de dix minutes, un quart d’heure au plus, il se met en frais. Dès qu’on a envoyé le corps étranger dans le cratère, le bouillonnement cesse pendant quelques minutes ; le cratère semble recueillir ses forces ; à ce calme succèdent quelques mouvements tumultueux ; puis l’éruption commence : une gerbe d’eau s’élève à un mètre au-dessus de l’orifice ; elle retombe ensuite pour repartir de nouveau et s’élever à deux mètres ; ce mouvement oscillatoire continue en augmentant toujours jusqu’à ce que la colonne d’eau atteigne une hauteur de soixante-dix à quatre-vingts pieds. L’éruption dure de vingt à trente minutes. Quand elle a cessé, si l’on se porte au bord du cratère, on voit que les eaux ont complétement disparu dans le fond ; il faut une demi-heure pour qu’elles remontent à leur niveau primitif.


Une coulée de lave. — Dessin de Yan’Dargent d’après l’album de l’auteur.

J’étais resté cinq jours campé sur cette plaine des Geisers, à faire des expérience de toute sorte afin de pénétrer le secret de cet étrange phénomène. Dans ces parages siliceux et arides, au milieu de cette atmosphère nauséabonde, il est impossible de rencontrer du gibier ; il me fallait donc user de mes provisions ; heureusement avec un peu d’imagination les Geiser me servirent pour utiliser certaines denrées qui autrement seraient retournées dans la cambuse de la Pandore. C’étaient les pommes de terre et surtout les haricots. Quand je voulais faire cuire ces derniers dans un Geiser, je les plaçais dans une serviette bien nouée, puis, après avoir attaché une pierre à cette marmite improvisée, je la plongeais au moyen d’une ficelle dans l’eau du Geiser. Tous les quarts d’heure j’allais retirer mon paquet de haricots afin de tâter à travers la serviette s’ils étaient suffisamment cuits. En une heure un quart, ils étaient d’une cuisson parfaitement égale, et en y ajoutant de l’huile, du vinaigre, du sel et du poivre, j’avais un excellent plat de haricots à la maître d’hôtel.

Cet expédient m’était fort utile pour rendre supportable mon séjour dans ces parages, mais mon contentement ne devait pas être de longue durée. Le cinquième jour, mon guide, qui ne m’avait fait que des misères, mit le comble à ses exploits en m’abandonnant ; il se dit malade et me laissa seul, avec tous mes bagages, emmenant mes deux meilleures montures. Ce n’était pas la direction que j’aurais à suivre qui m’embarrassait, car ces individus qu’on est convenu d’appeler des