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Il est impossible de se figurer ce que sont ces mers circumpolaires quand les vents du nord excitent leur furie. Sous un ciel toujours obscur on ne voit que des lames énormes, noires comme le ciel qui les couvre ; elles semblent ricaner à la face des marins qui ont osé se confier à elles. Pour ne rien perdre de cet horrible spectacle, je me tenais sur le pont, accroché à la cheminée de la machine, mais la mer devenant de plus en plus mauvaise, l’Arcturus plongeait dans la vague comme un marsouin ; il me fallut, à mon tour, m’arracher
Le fiord de Reykjavik. — Dessin de Jules Noël d’après l’album de l’auteur.
à ce spectacle sublime et regagner ma cabine, où je fus secoué comme un rat dans une souricière pendant près de trente heures.

Quand le pont fut devenu tenable, nous nagions au milieu des baleines. La mer était un peu tombée depuis deux jours et ses allures se modifiaient à mesure que nous approchions des terres. Dans toutes les directions on voyait s’élever au-dessus des eaux des
Vue du port de Reykjavik. — Dessin de Jules Noël d’après l’album de l’auteur.
gerbes de trois à quatre mètres qui d’abord jaillissent avec force, s’épanouissent en panache et laissent dans l’air une petite traînée de vapeur blanche, ce qui prouverait que le flot d’eau que la baleine rejette par les évents se divise en particules très-tenues, saturées de gaz. Comme la baleine est obligée de revenir sur l’eau pour respirer, on peut la suivre grâce à ces jets dans toutes ses pérégrinations. Sur le ciel glissaient des nuages entre lesquels le soleil envoyait de temps à autre quelques rayons sur la mer. C’est au milieu de ces