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Habitation de M. Mage, à Ségou. — Dessin de Émile Bayard d’après l’album de M. Mage.


VOYAGE DANS LE SOUDAN OCCIDENTAL
(SÉNÉGAMBIE — NIGER),


PAR M. MAGE, LIEUTENANT DE VAISSEAU[1].


1863-1866. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


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Séjour à Ségou. — Notre maison. — Nos intimes. — Nos voisins. — Attente et anxiété.

Je devais longuement, péniblement apprendre ce que signifient, dans la langue diplomatique des cours africaines, les mots : bientôt, de suite, patience.

Chaque jour la chaleur augmentait, la contrariété altérait ma santé ; de tous côtés je ne voyais qu’obstacles. Je cherchais à me prémunir contre tout événement, et dans ce but je demandais à acheter des chevaux ; mais soit par suite d’un mot d’ordre donné, soit qu’il n’y en eût réellement pas à vendre, toutes mes tentatives à cet égard étaient vaines. Je tombai sérieusement malade et je dus, pour éprouver un peu de soulagement, venir m’installer sous la varangue de notre cour, car la case n’était plus habitable. Dès que je fus un peu mieux, je commençai quelques promenades sur le cheval de Samba-N’diaye. J’éprouvais ainsi le plaisir de me soustraire à tout contact, d’être seul. Je réfléchissais alors profondément aux difficultés toujours croissantes de ma situation. Dans une de ces promenades, j’étais tellement préoccupé de mes pensées que je m’abandonnais tout doucement au galop de mon cheval sans faire attention aux personnes que je rencontrais et qui se garaient ainsi que c’est l’habitude dans ce pays. Je ne vis pas une vieille femme à demi aveugle et sourde qui marchait appuyée sur un bâton, et j’arrivai sur elle sans qu’elle m’entendît. Mon cheval se détourna naturellement, mais la vieille, effrayée et perdant la tête, se jeta dans ses jambes et tomba à terre sans connaissance. Bien que le choc eût été très-léger, je crus à quelque grave accident. Des femmes qui revenaient du marché essayèrent de la remuer, mais, évanouie ou non, elle était roide. Aussitôt, je courus vers le village à la recherche du docteur et de mes laptots. J’en rencontrai quelques-uns que j’envoyai de suite au secours de la vieille ; ils la trouvèrent debout. Il paraît qu’en me voyant m’éloigner elle avait

  1. Suite.— Voy. pages 1, 17, 33, 49 et 65.