Page:Le Tour du monde - 17.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore. Il nous annonça que nous allions loger chez lui. Je demandai à y être conduit sur-le-champ, promettant d’aller faire ensuite ma visite au roi. Mais il insista ainsi que Famahra pour que je commençasse par cette dernière démarche, disant qu’Ahmadou m’attendait.

Alors nous nous mîmes en marche à travers une foule plus nombreuse qu’aucune de celles que j’eusse encore vues. Un peloton de gardes armés qui nous accompagnait la maintenait à grand-peine à coups de fouets de cuir.

Nous gravîmes ainsi la berge, au milieu d’une poussière aveuglante, causée par ce fourmillement d’hommes et de femmes, et nous franchîmes la porte des murailles, que j’appellerai porte de Soukoutou, en souvenir d’un personnage important et qui demeurait à côté.

Ces portes sont doubles comme celles d’un fort, et entre les deux, existe un véritable corps de garde fortifié, percé de meurtrières et de mâchicoulis. Assez larges et assez hautes pour laisser passer un cavalier, ces portes ont leurs battants en caïlcédra d’un seul morceau ou de deux au plus.

Ces battants ferment sur un châssis du même bois, au moyen de clefs également en bois, mais très-fortes. Chaque soir, au coucher du soleil, les sept portes sont closes et une seule reste ouverte pour le passage des campagnards qui apportent le lait jusqu’à une heure assez avancée de la nuit.


Pirogues du Niger. — Dessin de Émile Bayard d’après l’album de M. Mage.

Après quelques minutes de marche, dans des rues assez étroites, sinueuses et encombrées de monde, nous arrivâmes sur une place ou s’élevait, à notre gauche, une maison ornementée, et, en face de nous, une fortification véritable de six mètres de haut, avec tours aux angles et des fronts sur le milieu. C’est le palais d’Ahmadou.

Nous n’eûmes pas le temps de faire beaucoup d’observations, car la foule, qui nous ballottait, nous poussa rapidement vers la porte ; là nous passâmes seuls, car la garde ne plaisantait pas et arrêtait net la multitude.

Cependant, il y a dans cette garde des enfants armés qui ne seraient pas capables de résister ; mais on comprend que ce sont des factionnaires, et de fiers Toucouleurs s’arrêtent devant un esclave bambare qui a une consigne et la fera respecter bon gré mal gré. Au Sénégal, nous n’avons rien de comparable chez les noirs.

À peu de distance de cette porte on en rencontre une autre semblable ; on est alors dans une espèce d’antichambre sombre très-grande, très-haute, dont la toiture est soutenue par d’énormes piliers en terre ou en caïlcedra. Les murailles ont deux mètres cinquante à la base ; dans les coins, on voit les lits en bambous de la garde ; en différents endroits, des crochets servant de râteliers d’armes, et de tous côtés des factionnaires armés.

De là, en montant deux marches, nous franchissons une porte et nous entrons dans la cour du tata ou de l’enceinte fortifiée. C’est au milieu qu’est située la maison d’Ahmadou, qui ne se révèle par rien. Une petite muraille basse que dominent des toits en paille, des gourbis devant une porte basse en terre, voilà tout.

Le défaut de propreté et de soin contraste, du reste, avec la fortification. Un rang de meurtrières est placé à quatre mètres cinquante d’élévation ; elles sont très-régulièrement faites, à l’instar de celles de nos forts. Celles