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ouvrir. Les produits riches nous arriveront en retour par la même voie ; mais les produits encombrants que nous obtiendrions en échange, produits qui du reste n’existent pas aujourd’hui ou ne sortent pas du pays (graines oléagineuses ou coton), ne pourraient pour la plupart nous arriver en Europe qu’en descendant le Niger. C’est un problème à étudier.

« Le commerce du Maroc avec le Soudan profite surtout aujourd’hui à l’Angleterre, et il introduit des esclaves au Maroc. Il y aurait donc double avantage à le supprimer à notre profit. Un chef tout-puissant d’un grand empire, tel que l’est aujonrd’hui El Hadj Omar, dans le Soudan central, s’entendant avec nous, était nécessaire à la réalisation de ce projet. Ce marabout, qui nous a suscité autrefois tant de difficultés, pourrait donc dans l’avenir amener la transformation la plus avantageuse au Soudan et à nous-mêmes, s’il veut entrer dans nos vues.

« Et quant à lui, il pourrait tirer de ce commerce par le Haut-Niger de très-grands profits.

« Quelque considérables que fussent les droits qu’il percevrait sur son territoire, il y aurait encore de grandes économies si l’on pense aux frais énormes des quatre cents lieues à dos de chameau et aux exigences et aux pillages des nomades du Sahara.

« C’est donc comme ambassadeur à El Hadj Omar que je vous envoie. Il paraît certain que dans ces derniers temps El Hadj Omar était maître du Kaarta, du Ségou et de ses provinces tributaires le Bakounou et le Foula Dougou, du Macina et de Tombouctou, c’est-à-dire maître de tout le cours du Haut-Niger entre le Fouta Diallon et Tombouctou. Aujourd’hui les uns disent qu’il est mort, les autres qu’il est tout-puissant dans le Macina.

« S’il est réellement mort quand vous arriverez dans le pays, vous vous adresserez en mon nom à son successeur, ou si son empire est démembré, aux chefs des pays que vous traverserez. Je vous donnerai toutes les lettres nécessaires pour cela.

« Votre mission relative aux postes à établir entre Bafoulabé et Bamakou, et aux propositions à faire à El Hadj Omar ou à ses successeurs, étant remplie, vous pourrez m’en rapporter vous-même les résultats, ou bien en me les expédiant par une voie sûre, essayer, si vous entrevoyez la possibilité de descendre le Niger jusqu’à son embouchure, ou d’aller rejoindre l’Algérie, le Maroc ou Tripoli.


Dagana. — Dessin de Tournois d’après l’album de M. Mage.

« Vous avez déjà, dans une première excursion au Tagant, donné des preuves d’énergie et d’intelligence, et acquis une expérience qui sont de précieuses garanties pour la réussite du voyage beaucoup plus important à tous égards, que vous allez entreprendre aujourd’hui.

Signé : L. Faidherbe. »

Enfin, deux mois avant mon départ, deux courriers noirs avaient été expédiés à Segou par la route septentrionale du Kaarta, avec la dépêche suivante :

LE GÉNÉRAL FAIDHERBE À EL HADJ OMAR.

« Gloire à Dieu seul. Que tous les bienfaits accompagnent ceux qui ne veulent que le bien et la justice.

« Le général gouverneur de Saint-Louis et de tous les pays qui en dépendent, à El Hadj Omar, prince des croyants, sultan du Soudan central.

« Cette lettre est pour t’annoncer qu’aussitôt après la saison des pluies, j’enverrai un de mes chefs vers toi, comme tu l’as désiré autrefois.

« Cet officier, homme très-distingué, est investi de mon entière confiance.

« Il causera avec toi des affaires qui nous intéressent, et te fera des propositions importantes au sujet d’un commerce qui pourrait te rapporter des droits considérables.

« Il te remettra une lettre de moi, afin que tu ne puisses pas douter qu’il est mon envoyé. C’est à toi de donner des ordres pour que lui et ses hommes puissent passer librement sur tes États, qu’ils traverseront par la route des Djawaras et du Foula Dougou, et qu’ils ne soient ni arrêtés, ni inquiétés en aucune façon.

« Salut.
« Le gouverneur,
« Signé : L. Faidherbe.

« Saint-Louis, le 30 juillet 1863. »


De Saint-Louis à Bakel. — Dernières instructions verbales du général Faidherbe. — De Bakel à Médine. — Incident à Kotéré. — Le Sénégal entre le Félou et Gouïna. — Départ définitif de Médine, le 24 novembre 1863. — Manière de marcher. — La politique du Khasso, du Logo et du Natiaga. — Visite à Altiney-Séga. — Ascension d’une montagne. — Aspect du pays. — Route de Médine à Gouîna. — Accès de fièvre. — Campement à Gouïna. — Tentative de navigation au-dessus de ce point. — Insuccès. — Départ des officiers de Médine. — Renvoi du guide incapable. — Nous sommes seuls.

La baisse exceptionnelle des eaux dans l’année 1863 me fit partir un mois plus tôt que je ne l’eusse désiré. Le 12 octobre, ayant reçu le courrier de France, je partais sur la chaloupe canonnière la Couleuvrine, empor-