Page:Le Tour du monde - 17.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et le dos par ses gens. Si ces façons musulmanes de grand seigneur m’irritaient fort, en revanche elles avaient un grand succès auprès de Samba Yoro, mon interprète ordinaire qui, d’habitude très-timide en paroles, semblait paralysé. « C’est un grand marabout ! » me disait-il. Après cela, tirez le rideau : tout est dit.

Ousman ne tarda pas à me dire qu’il voyait que je n’avais besoin de rien, que j’avais des provisions, et autres phrases de mauvais augure quant au souper qu’il nous réservait. Les Diulas qui nous avaient accompagnés jusque-là devant nous quitter, Fahmahra m’avait conseillé de demander un guide pour nous conduire à Diangounté. Je demandai donc si on pourrait nous en donner un, et nous vendre un cheval dont le docteur avait besoin. Il me promit tout ; mais quand vint la nuit, on n’avait même pas garni ma case de nattes pour me servir de lit ; j’en fis demander pour les hommes et pour moi. Après une longue attente je les reçus, et en même temps mon souper composé d’une poule et de riz. Quant aux hommes, on ne leur envoya rien ; heureusement nos provisions n’étaient pas encore épuisées. Je fis demander du mil pour les chevaux et les ânes ; après deux heures j’en reçus quelques moules[1], et je m’endormis très-peu satisfait du village et de son chef.


Le Baobab de Kouroundingkoto (voy. p. 41). — Dessin de Tournois d’après l’album de M. Mage.


Visite de Dandangoura, chef de Farabougou. — Ennuis et tracasseries. — Madiga. — Observations et latitude. — Fatigue et maladies. — Lac de Tinkaré. — Tinkaré. — Samba Yoro se blesse en tombant. — On m’offre des queues de girafes. — Arrivée à Diangounté. — Bon accueil. — Détails sur le pays.

Le 5 février je me réveillai après une mauvaise nuit ; je craignais, je ne savais pourquoi, de nouvelles entraves. De plus, je m’affaiblissais de jour en jour d’une façon bien notable. J’avais eu avec notre guide deux ou trois scènes nécessaires pour me conserver mon autorité de chef de la bande, sur laquelle il voulait empiéter, en s’opposant aux temps d’arrêt, et voulant régler la marche, etc., etc. Comme je ne partais jamais sans m’être renseigné sur les villages que je devais trouver, sur leur distance, et cela jusqu’à deux et trois jours à l’avance, je ne voulais plus qu’une fois en route on vînt par caprice déranger ce que j’avais réglé. Cela m’avait irrité contre lui ; je constatais qu’il ne m’était que de très-peu d’utilité, maintenant que j’étais dans les pays dépendant du chef de Farabougou. C’était une bouche de plus, sans compter les quatre hommes qui l’accompagnaient, et nos provisions commençaient à diminuer. Toutes ces réflexions m’avaient assailli dans cette nuit d’insomnie, et je me trouvai au jour fort mal disposé.

Vers sept heures, Tierno Ousman vint faire palabre. Il avait pris des dehors encore plus cafards que la veille : Il venait me dire qu’il fallait que j’allasse à Nioro trouver Mustafa, grand chef placé par El Hadj, qui pourrait m’aider à franchir le route de Ségou, fort difficile et peu sûre par Diangounté. Ce n’était, me disait-il, que quatre jours de retard.

On peut se figurer l’effet de cette déclaration sur moi. Je le laissai causer une demi-heure, m’efforçant de rester calme. — Après tout, n’avais-je pas prévu ce qui arri-

  1. Moule, mesure d’environ quatre litres, variant un peu suivant les localités, mais ne dépassant jamais deux litres et cinq litres comme capacité extrême.