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ces marbres, de ces reliefs, de ces feuillages d’acanthe et de laurier, un boulanger à son échoppe et son four.

Le forum de Nerva me rappelle un trait fort admiré dans les colléges et qui s’est passé en ce lieu-là. Un courtisan, Vetronius Turinus, trafiquait de l’amitié du prince et tenait débit des faveurs impériales. Alexandre-Sévère fit humecter et allumer des bottes, dans la fumée desquelles on étouffa Vetronius tandis qu’un héraut criait : « La fumée punit qui a vendu de la fumée ! » Cet empereur avait été élevé par sa mère dans certaines allures de pédanterie.

Si l’on s’égare dans ces parages en prenant sur la gauche la via Alessandrina, on retrouve, mais plus élevée, à l’angle d’une ruelle qui grimpe et tourne, cette énorme muraille que nous avons traversée à la via Bonnella sous la poterne Pantani. Les blocs de péperin dont elle est bâtie sont assemblés sans ciment et liés avec des crampons de bois ; la structure, la direction, les détours de cette espèce d’enceinte, plus ancienne évidemment que les Césars, propose aux antiquaires un problème sans solution. Un peu plus loin, à la salita del Grillo, autre mystère : les débris d’un hémicyle avec des boutiques ou tabernæ pavées de mosaïques, marbre et basalte. Les briques datent, dit-on, du règne de Trajan ; mais peut-être n’est-ce qu’un rhabillage : quelques écrivains ont dénommé cela les Thermes de Paul-Émile. Ce que c’est, on le saurait peut-être si les alentours étaient déblayés. Toute cette région de la ville, une des plus pauvres, une de celles où la civilisation enfouie soulève les rues modernes, tout ce quartier, de la tour des Conti jusqu’au temple de Vénus et Rome, est aussi attachant que mystérieux.

De ce dernier monument, qui fait face au Colisée dans le prolongement du Palatin à la hauteur de la Summa via Sacra, il reste de gros blocs sur lesquels s’appliquent les dépendances de Sainte-Françoise Romaine
Bas-relief de l’Arc de Titus. — Dessin de E. Thérond d’après une photographie.
et, au milieu de ce massif de constructions hérissées de plantes pariétaires, l’excavation d’une abside, section verticale qui laisse voir un dessin de médaillons entre des compartiments losangés.

Rome issue d’un fils de Vénus revendiquait la déesse pour aïeule, et l’empereur Adrien qui lui dédia ce temple bâti sur l’atrium de la maison de Néron pensait sans doute expier par cette offrande des amours abominés des Dieux. Dion Cassius a fixé l’emplacement du monument que, suivant Victor, Maxence a reconstruit ou réparé. C’était un bel édifice — pseudo-diptère, écrit Vitruve : il désigne ainsi les temples ayant deux rangs de colonnes à chaque façade avec un seul rang sur les côtés. Celui-ci était vaste, — trois cent quarante pieds de long ; les matériaux étaient énormes : colonnes cannelées d’une toise de diamètre, revêtements en marbre de près de six pieds d’épaisseur,  etc… Un des signes de la barbarie naissante, c’est ce genre de luxe et cet excès de proportions qui ne vise plus qu’à étonner.




Mais ce qui contribue par excellence à embellir ces solitudes bâties, où depuis tant de siècles chacun a été en pèlerinage et où l’on ne rencontre personne, ce qui, ajoutant les prestiges de l’art aux vieux documents de pierre, prête un si grand charme aux horizons de la voie Sacrée, ce sont les arcs de triomphe qui ont servi de modèles à tant d’édifices votifs. Comme la coutume des triomphes, ces arcs-voûtes sont d’origine romaine. Le plus ancien fut élevé l’an 634, deux ans après la mort de Caius Gracchus, en l’honneur d’un Fabius qui avait battu les Allobroges. Les trois types les plus splendides de ce genre de construction se trouvent à peu de distance l’un de l’autre, le long de la voie par où passaient les triomphateurs.