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Genseric et Attila ; mais les prélats de Rome ont un zèle moins primitif. D’où il suit qu’en condamnant par cet appel à la destruction du Colisée tant de pontifes saintement conservateurs des splendeurs antiques, Mgr de Bib*** a tant soit peu compromis sa patrie. « Dans le fond de l’âme, me disait à ce propos un auditeur de rote, vous êtes les descendants de ces Gaulois qui ont dévasté l’Italie. »

Gardons nous de ces vertueuses rigueurs, et puisque nous sommes en présence du plus vaste, du plus ancien, ou peu s’en faut des théâtres connus, ne laissons pas que d’admirer, avant d’y pénétrer, ce qu’offre d’étrange et de frappant sa situation au cœur d’un vallon qui sépare trois collines devenues désertes. Ce carrefour. jadis était un point de jonction entre quatre quartiers de la capitale du monde ; le fer, le feu des barbares en ont fait une solitude.


L’arène du Colisée. — Dessin de E. Thérond d’après une photographie.




Un après-midi, un dimanche que les musées étaient clos, où dans les rues humides de Rome descendait des toitures une buée d’ombres grises teintées par un ciel très-bleu, un de ces jours voués à Murcia la déesse de la fainéantise, comme nous avions grande envie l’abbé et moi de nous envoler, Paul Baudry nous aborda sur la place d’Espagne et nous nous mîmes tous trois en marche, convaincus sans nous l’être dit qu’on allait en belle promenade, mais évitant d’en formuler le dessein, pour laisser à nos pieds le choix du but, à nous-mêmes les charmes du hasard.

Nous voilà donc babillant sans direction, tirés par l’instinct, distraits par des causeries bigarrées ; feuilletant comme un livre les ruelles profondes que l’abbé tout en passant nous déchiffrait par citations. Lorsqu’on ne sait pas où l’on va, on arrive infailliblement au Forum, par cette attraction accoutumée de vingt siècles qui, s’étant succédé de tous les points du monde à cet endroit, ont universellement décrété que tout chemin mène à Rome, c’est-à-dire là.

Francis Wey.

(La suite à la prochaine livraison.)