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dans la forêt sacrée de Petelia, d’où l’on ne découvrait plus le Capitole, monument de sa gloire. Il fut condamné, « sentence odieuse aux juges mêmes, » et les tribuns le précipitèrent de la roche Tarpéienne. « Ainsi, observe Tite-Live, le même lieu fut pour cet homme le témoin de la gloire la plus haute et du plus infamant des supplices. »

Sa maison fut rasée et l’on décréta que désormais aucun particulier n’aurait son habitation dans l’enceinte capitoline. Après la guerre des Auronces, le dictateur Lucius Furius, fils du grand Camille, élève sur cet emplacement un temple à Junon, distinct de celui dont nous avons parlé ; car le surnom de Moneta ne remonte qu’à la guerre de Pyrrhus et des Tarentins, durant laquelle, consultée sur la pénurie d’argent dont soufraient les Romains, la déesse les avertit (monet) que les ressources ne manqueront jamais si l’on se dévoue uniquement à la justice et aux armes.

C’est deux cent soixante-dix ans avant notre ère que pour la première fois Rome frappa des monnaies au coin de la république. Freinshemius, dans ses Suppléments, fixe à cette date la création des pièces d’argent de dix, de cinq as et des sesterces estimées à deux livres et demie de cuivre. On les frappait au Capitole, dans le temple même de Juno Moneta, et le peuple appela monetæ ces pièces qui provenaient du temple de Moneta : — ex æde Monetæ. De là l’origine du substantif monnaie, qui s’écrirait monète si les langues
Temple de Vespasien et portique des Douze-Dieux. — Dessin de H. Clerget d’après une photographie.
étaient faites par des savants. Junon avait plus d’un temple sous cette invocation, et c’est là encore une cause d’erreur. Ouvrez Tite-Live : vous y verrez que le préteur Cicereius, ancien secrétaire de Scipion l’Africain, voua, lorsqu’il eut soumis la Corse, un temple à Juno Moneta. Il pensait aussi avoir reçu de la déesse quelque avis précieux. Mais si vous allez jusqu’au quarante-cinquième livre, la dédicace de ce monument vous apprendra qu’il était sur le mont Albain.

L’ancien temple de Juno Moneta, au versant capitolin qui regarde le Forum, était revêtu en blocs de marbre de Lune ou Carrare de près d’un mètre d’épaisseur. Il est séparé du temple de Vespasien par un embranchement de la voie Sacrée qui se nommait clivus Capitolinus, la rampe du Capitole. En la laissant pour suivre une sorte de ruelle tout encombrée de marbres brisés, on arrive à la Schola Xanta. Ce sont les loges ou boutiques, tabernæ, au nombre de sept, qui servaient de bureaux aux scribes, aux archivistes, aux greffiers des édiles curules. Ces boutiques voûtées ont encore leur seuil ; elles se prolongent jusqu’au pied du Tabularium. Pie IX les a fait déblayer et restaurer en 1857.

Traversons parallèlement au Tabularium la base de l’intermontium capitolin en nous dirigeant du côté de la prison Tullienne, et des gémonies qui ont fait place à la rampe d’Ara-cœli : nous rencontrerons, entre l’arc de Septime-Sévère et l’angle du portique élevé l’an 676 de Rome par Lutatius Catulus devant l’édifice où l’on gardait les tables de bronze (archives de la république), les restes du temple renommé de la Concorde, relevé, dit-on, par Tibère. Sur ce point, aucune incertitude : des inscriptions votives confirment par rapport à l’assiette et à l’orientation de cet édifice les indications de Plutarque, de Dion-Cassius et de Festus.

L’entrée de ce temple, un des lieux historiques émouvants de l’ancienne Rome, est encore marquée par les trous sur lesquels pivotaient les gonds des portes. Le monument était grand, à peu près carré ; on descendait de son vaste portique par des degrés de marbre dont il reste en place des fragments nombreux.

Tourné vers le Forum, voisin des gémonies, retranché au pied du Capitole, le portique du temple de la Concorde servait de curie ; le sénat s’y réunissait dans les grandes occasions, lorsqu’on devait parler au peuple assemblé devant les rostres ou tribune. Il fallait donc que la place de l’orateur fût située entre les marches du temple et les comices populaires du Forum.

Or, la tribune, qui jusqu’à Sylla fut placée près de la Græcostasis où depuis le temps de Pyrrhus on hébergeait les ambassadeurs étrangers, vers ces colonnes qui portent aussi le nom de Castor et de Pollux, la tribune fut ensuite transférée entre le comice dont il reste encore trois marches, et le pied des nombreux degrés