vité quand Rome usurpée faisait partie de l’empire français, et depuis, sous les règnes de Léon XII et de Grégoire XVI.
L’interruption de ces recherches, l’ignorance pénible où les peuples sont restés sur un point qui les intéresse tous est, à mon sens, une marque humiliante de la barbarie qui préside encore aux relations internationales. Les États un peu cultivés selon l’esprit n’auraient-ils pas dû s’entendre avec le Saint-Père pour défricher en commun ce lopin du champ paternel !
Si pour apprécier l’état
du Forum on demande
aux livres les éléments
d’un inventaire complet
de ses richesses, on trouvera
matière à bien des regrets.
Alors, comme nombre
d’auteurs, on dressera,
en périodes larmoyantes
et sonores, ce qu’on pourrait
appeler un procès-verbal
de carence complaisamment
détaillé. Observons
qu’en général, dans
ces descriptions qui opèrent
la restauration du
Forum, on entasse tout
ce qu’il a pu contenir à
dix époques successives.
C’est Romulus avec les
rois, ce sont les consuls et
les dictateurs, et Marius,
Vue de Saint-Pierre in Montorio prise de San Cosimato, au Trastevere. — Dessin de Lancelot d’après une photographie.
et Sylla, et Pompée, et
Caïus Julius suivi de tous
les empereurs jusqu’à
Julien. On paraît oublier
qu’autour d’un si
étroit espace chaque période,
chaque règne a dû
abattre pour reconstruire ;
que le Forum au temps
de Scipion ne ressemblait
plus à celui de Tarquin ; que les premiers Césars ont
jeté bas les édifices de la république, puis, qu’ils ont
eux-mêmes cédé leurs temples, leurs basiliques avec les
matériaux, aux ambitieuses entreprises des Flaviens,
des Antonins et de leurs héritiers. Que de monuments,
par suite des bouleversements politiques, ont dû se
succéder sur la via Sacra, changer de nom, de destination
et disparaître, du temple de Vénus et Rome jusqu’aux
prisons Tulliennes, et des ruines du palais de
Domitien jusqu’aux substructions du temple abattu de
Jupiter Tonnant ! Entre l’église de San Lorenzo in miranda encorbellée dans le temple de Faustine, et
Saint-Théodore qui marque l’ancien domaine des vestales,
entre l’arc de Titus et le Tabularium de Sylla
qui porte sur ses piliers doriques engagés dans les
murs le palais du Capitole, il y a un long trapèze à
demi creusé, la plus splendide des sépultures historiques,
sur lequel on disserterait à jamais et que l’on
contemplerait sans fin.
Comme à Pompéi, on reconnaît les rues avec leurs trottoirs, usés par des passants qui depuis quinze siècles ont fini de passer ; on est étonné de leur succéder à tant de distance sur le même pavé en dalles cyclopéennes, réparé selon la même méthode, depuis le temps où Vaccus et Albin firent daller le clivus Capitolinus, qui dès cette époque (170 ans avant le règne d’Auguste) allait du temple de Saturne au sénat et à sa curie.
Pour traverser la place et gagner au pied du Quirinal la rive du Tibre par le Vélabre, on a jeté à l’extrémité découverte et creusée du Forum un pont au bout duquel se trouve un accès pour descendre dans le domaine de la civilisation antérieure. Tout en quittant les arches de ce pont et en faisant face au portique de Sylla, espace compris entre le Capitole et le Forum, on se voit environné de temples en ruine, de degrés, de ruelles antiques, de colonnes brisées, d’inscriptions interrompues, de basiliques réduites à leurs dalles.
La voie Sacrée serpente, distincte et spacieuse, comme si la cité reine était debout. En la suivant, on perd avec l’aspect des choses modernes le souvenir des siècles qui nous séparent de l’antiquité.
(La suite à la prochaine livraison.)