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LXV

la maison rustique de la valachie.


Chevaux, ânes et mulets. — Bœufs. — Buffles. — Brebis, laines et tissus de laine. — Chèvres, porcs, etc.

Je résume tout ce que j’ai appris de la vie agricole chez mes amis les paysans dans ce chapitre consciencieusement revu et augmenté, d’après un document officiel auquel je reviendrai : le Rapport de la commission de la Roumanie, à l’Exposition universelle de 1867.

La Roumanie possède cinq cent six mille chevaux environ ; ce chiffre, comparé à l’étendue du territoire, donne deux chevaux pour cinquante hectares de terre ; un cheval représente à peine une somme de quatre-vingts francs.

Les chevaux roumains appartiennent à la race orientale ; ils en ont les défauts et les qualités ; petits de taille, vifs, ils supportent de grandes fatigues, mais leur force de traction est minime.

Le régime des haras est très-simple ; les chevaux paissent en liberté dans les prairies jusqu’à l’époque des neiges ; ils ne rentrent dans les écuries que vers le milieu de l’hiver et y sont nourris de foin et de paille. Dans certaines localités, et surtout quand le fourrage est cher, ils passent l’hiver en plein champ.

Les chevaux ne servent presque pas aux travaux des champs ; on ne les emploie que pour faire piétiner les céréales dans les aires ; dans les localités abruptes, ils portent à dos les provisions de céréales, de sel, de laine et de fruits que les montagnards vont acheter ou vendre dans la plaine.

Les ânes et les mulets sont très-peu employés. Les mulets sont surtout élevés par les Tziganes pour l’exportation ; les ânes servent pour porter, à la suite des troupeaux de moutons, les bagages et les outils des bergers. Le nombre des ânes et des mulets ne dépasse pas huit mille.

Parmi les bêtes à cornes, le bœuf et la vache occupent une place importante dans l’agriculture. On les emploie à la presque totalité des travaux des champs. Après avoir servi pendant plusieurs années comme animaux de labour et de trait, ils sont engraissés et vendus, soit pour la consommation intérieure, soit pour l’exportation. Le bœuf supporte toutes les intempéries de l’air, il a une grande force de traction et il est très-sobre ; quelques tiges de maïs ou bien un peu de foin suffisent pour sa nourriture.

Par suite des travaux auxquels elles sont soumises, les bêtes à cornes ont gagné en force, mais ont perdu beaucoup de leurs qualités laitières. Les vaches de Roumanie sont loin de donner autant de lait que les vaches de Normandie et d’autres parties de l’Europe. Il s’en trouve cependant qui donnent jusqu’à dix litres de lait par jour. Elles passent les nuits dehors et n’ont souvent pour se nourrir que l’herbe desséchée des champs. En hiver, elles ne mangent que des fourrages secs. Tout paysan en possède au moins une.

Depuis le printemps jusqu’à l’époque des neiges, les bestiaux paissent en liberté ; en hiver, ils sont enfermés dans des étables nommées cochar bâties en clayonnages ; on les nourrit de paille, de foin ou de tiges de maïs. Les bestiaux du même village sont confiés à un vacher, qui les mène paître dans la journée et les ramène le soir. On se garde de traire les vaches destinées à la reproduction ; le lait est considéré comme chose tout à fait secondaire, et on n’a en vue que l’élevage des veaux.

Entrée d’une maison de paysan. — Dessin de Lancelot.

On pratique partout en Valachie deux espèces d’engraissements : celui d’été et celui d’hiver.

Au commencement du printemps, les marchands de bestiaux achètent les bœufs dans les marchés et les villages, les font paitre jusqu’à l’automne et les conduisent à l’abattoir. La viande est séchée pour la fabrication de conserves de viande durcie, que le peuple consomme sous le nom de pastrama ; les langues et les filets sont vendus aux charcutiers, qui les fument et en fabriquent diverses espèces de saucissons généralement fort épicés. Quant aux os, on en extrait soigneusement la moelle qui, fondue et renfermée dans des outres et des vessies, sous le nom de cerviche, est employée comme graisse dans l’alimentation. Le suif des bêtes à cornes, après avoir été fondu et mis dans de grandes outres en peaux de bœuf ou de buffle, sert à la fabrication des chandelles et d’autres graisses employées dans l’industrie. On exporte principalement en Turquie les graisses et les moelles.

L’engraissement d’hiver se fait au moyen de résidus provenant de la fabrication de l’eau-de-vie. Ces résidus contenant beaucoup d’eau, les bestiaux soumis à ce régime ne sont pas conduits à l’abreuvoir. Dans certaines localités, on engraisse les bœufs avec du maïs concassé, de la paille hachée et mouillée de saumure, et avec du foin. La viande des bestiaux engraissés par ce dernier mode a meilleur goût que celle des bêtes dont la nourriture se compose exclusivement des résidus de l’eau-de-vie ; celle-ci a une odeur particulière peu agréable.