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lacés à ce point de fermer par moments tout passage. Lorsque je fus au sommet, je m’aperçus que nous passions par une sorte de col et que cette chaîne, la plus considérable que j’aie traversée dans mon voyage, était la ligne de faîte qui sépare la vallée du Bafing d’avec celle de ses affluents. La descente fut rapide : le plateau sur lequel nous arrivions était à mi-hauteur de la montagne qui, de ce côté, n’avait pas plus de 80 mètres.

Nous entrions alors dans des plaines cultivées ; aux pays déserts que nous avions vus depuis notre départ succédait enfin, pendant quelques jours au moins, l’apparence du bien-être. Le soir nous couchions au village de Makhana, où nous reçûmes la première nouvelle de troubles agitant l’empire d’El-Hadj, événements qui devaient avoir une grande et fâcheuse influence sur le succès définitif de notre voyage.


Sambou, griot de Niantanso (type de Malinké). — Dessin de Émile Bayard d’après l’album de M. Mage.

Nous n’y attachions pourtant que peu d’importance à cette époque ; il ne s’agissait que d’une rébellion dans le Bélédougou, dont les guerriers d’Ahmadou avaient pillé quelques villages. Pourtant, à chacun de nos campements du soir, dans le Gangaran que nous traversions, nous ne pouvions nous abuser sur le sens du tribut de vivres que nous apportaient les indigènes. Ce n’était pas un cadeau volontaire, mais un de ces impôts arbitraires que lèvent les gens d’El Hadj partout où ils passent au milieu des captifs ; au fond, je voyais que ces gens avaient la tête basse, le regard triste, et moi, pauvre voyageur inoffensif, je sentais peser sur moi une part de la haine qu’ils vouent à leurs conquérants.

Mage.

(La suite à la prochaine livraison.)