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lenteur, calculant, réfléchissant, comptant les lignes et les points et prenant garde de se tromper. De vieilles matrones préparaient des peaux tendues autour de piquets. Avec un caillou de grès siliceux, elles raclaient la peau, en enlevaient toutes les bavures, puis la polissaient avec une espèce de ciseau d’acier emmanché au bout d’un os. Autrefois la hache de pierre tranchante, en silex ou en diorite, servait à faire cet ouvrage avant que le fer eût été apporté au sauvage par l’homme civilisé. Après avoir été ainsi préparée, la peau de bison est tannée avec la cervelle même de l’animal.

Les femmes étaient loin d’être belles. Si la plupart des Indiens avaient un type fier et noble, les squaws ne présentaient sur leur figure rien qui révélât la femme comme les nations
Grosses-Côtes, lieutenant du chef sioux la Nuée-Rouge. — Dessin de Janet Lange d’après une photographie.
civilisées la comprennent. Timides, honteuses, elles baissaient les yeux devant le blanc, se cachaient. La fatigue, le dur travail avaient altéré leurs traits. À elles incombent tous les soins domestiques. Ce sont elles qui nettoient la maison, étrillent les chevaux, préparent les repas, élèvent les enfants ou pappooses, dressent la hutte, et en voyage portent à pied tout le matériel de la loge. L’homme suit, à cheval, n’ayant que son arc et ses flèches. Pour surcroît d’agrément, les femmes sont souvent battues. Elles sont regardées comme des esclaves par leur mari, qui épouse autant de femmes qu’il veut. Pour un cheval, pour quelques peaux de bison, les parents donnent volontiers leur consentement, et tout est dit. La chasteté n’est pas de rigueur, mais souvent le mari coupe le nez ou les oreilles à la femme infidèle. Chez les Peaux-Rouges, chacun est ainsi son propre juge et applique la loi à sa façon.

D’autres fois la femme est vendue des que le mari est dégoûté d’elle. Nous savons que les femmes des blancs, quand les Indiens les emmènent prisonnières et les conduisent dans leur loge, ne sont pas mieux traitées. Toutefois, dans quelques tribus, on ne les prend pas pour femmes. Il faut croire que, dans ce cas, c’est surtout la peau blanche qui répugne au Peau-Rouge. On comprend maintenant pourquoi l’Indien, toujours à cheval, en guerre ou en chasse, est beau, bien fait, et comment les squaws, soumises à tant d’épreuves, sont chez eux, contrairement à ce qui a lieu ailleurs, la plus vilaine moitié de l’espèce humaine.

Il est juste de dire que dans le village des Sioux toutes les femmes ne répondaient pas à cette description ; un certain nombre d’entre elles, sans avoir de beauté ou même sans être agréable ou jolies, étaient moins déplaisantes à nos yeux, parce qu’elles se rapprochaient plus du type blanc ; il était facile de voir qu’elles étaient de sang mêlé, half-breed.

Le jour où je visitai le village des Sioux, la bande des Laramie-Loafers n’était pas seule campée en cet endroit. Les Corbeaux, prévenus depuis plus d’un mois que la commission se rendrait au fort Laramie vers le 10 novembre, à l’époque de la pleine lune, étaient récemment arrivés. Ils avaient quitté, pour se rendre à