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notre couverture. Les bagages, disposés sur le devant du véhicule, nous protégèrent en partie contre le vent et le froid, et nous dormîmes tant bien que mal.

Le coup d’œil de notre camp était des plus pittoresques. Les mules dételées s’étaient réunies par groupes isolés. Ayant bien vite épuisé leur maigre ration de maïs, elles tondaient le gazon des prairies, jauni par les froids de l’automne. Les fourgons, alignés, formaient comme un rempart.

Du côté opposé, vers le Pole-Creek, étaient dressées les tentes des soldats. En retour d’équerre venaient celles des officiers. L’eau du ruisseau était gelée sur les bords, et çà et là, en bouquets touffus, se dressaient le long des rives les coudriers et les joncs. Un bluff, ou talus naturel de roches tendres et d’alluvions, formait un des versants du ruisseau. Partout ailleurs s’étendait jusqu’à l’horizon la plaine immense, à peine ondulée. Le ciel était resplendissant d’étoiles,
Charley Utter, des mines de Georgetown, en costume de trappeur. — Dessin de Janet Lange d’après une photographie.
la lune éclairait la plaine et l’on entendait au loin les sourds aboiements des loups ou des coyotes affamés. Les derniers feux allaient s’éteignant et le silence du camp n’était plus troublé que par la marche de quelque veilleur attardé regagnant sa tente, ou par le hennissement de quelque mule disputant à sa voisine une touffe d’herbe ou l’abri protecteur d’un fourgon. Bientôt un grand calme se fit, et l’on n’entendit plus que les sifflements de la tempête au milieu de la solennité de la nuit.

Le lendemain, 7 novembre, le soleil se leva sur le camp de Pole-Creek sans y ramener le beau temps. L’ouragan redoubla même de violence. On vit des fourgons, poussés par le vent, s’avancer seuls de plusieurs mètres en courant sur leurs roues. Quelques tentes furent jetées à bas. La promenade au dehors devint impossible. Pour comble d’infortune, les commissaires n’arrivaient pas, et il fallut les attendre encore tout un long jour. Le 8 novembre, ou signala enfin leur arrivée, et le camp fut levé à la grande joie de chacun.

Le général Sherman et le sénateur Henderson, rappelés à Washington par leurs fonctions et par la date rapprochée de l’ouverture de la session législative, n’avaient pu se joindre à la commission, dont ils étaient les principaux membres. Le général Sherman avait été remplacé par le général Augur, commandant le district de la Plate, dont le chef-lieu est à Omaha. Le général Augur, comme le général Terry, un autre des commissaires et commandant le territoire Dakota, est l’un des officiers qui se sont le plus distingués pendant la guerre de sécession. Tous deux apportent, dans leurs manières, cette pratique des habitudes civiles qui tempère la rigidité militaire, et qui crée entre les soldats de l’Union et ceux d’autres pays une différence qui est toute en faveur des premiers.

Le vieux général Harney, devenu le meilleur ami des Peaux-Rouges, après les avoir battus sans merci, se distinguait entre tous les commissaires par ses façons douces et paternelles. Malgré ses soixante-huit ans, il avait accepté de prendre la part la plus active à tous les travaux qu’on venait de lui confier si inopinément, à lui vieux militaire retraité, vétéran des forts de l’Ouest, et il n’avait jamais faibli un instant ni dans les péripéties du voyage ni dans les longueurs du conseil. Il portait invariablement l’uniforme de général,