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sulfurets ou sulfures d’or, mais nulle part, comme dans le Colorado, toutes les mines à la fois n’avaient eu à lutter contre la même difficulté, si grave et presque insurmontable. Ici le problème à résoudre est plus que jamais sérieux. De sa solution dépend en effet en partie l’avenir de ce territoire. Bien que tout le monde, dès le premier jour, se soit mis à l’œuvre, chimistes, métallurgistes, ingénieurs, savants (je ne parle pas des chevaliers d’industrie ou des contrefacteurs), et que chacun, dans cette espèce de course au clocher, ait apporté son procédé qu’il croyait le meilleur, aucun procédé n’a encore réussi, et le prix est toujours à donner à l’heureux inventeur du traitement des sulfures auro-argentifères. Celui qui trouvera le moyen de retirer, par des systèmes pratiques, et non par des méthodes de laboratoire, des minerais du Colorado, et subsidiairement de ceux de Montana, de l’Idaho, de la Nevada, de la Californie, toute la quantité d’or et d’argent qu’ils renferment et que l’analyse dévoile, celui-là aura fait sa fortune. Il sera du jour au lendemain riche à millions, et du même coup il aura donné à la colonisation des États et des territoires du Grand Ouest américain l’impulsion la plus féconde. Ce sera là une fortune bien acquise ; voilà les vrais inventeurs et non ceux qui cherchent péniblement la contrefaçon de procédés déjà connus. Celui qui apportera au Colorado le mode de traitement métallurgique qu’il attend depuis plusieurs années, celui-là sera non-seulement le bienfaiteur de ce territoire et de tous ceux du Far-West, il faudra aussi, tant la nouvelle invention sera fertile en résultats, le proclamer solennellement comme un des bienfaiteurs du genre humain. Allons, métallurgistes, à l’œuvre ! qui de vous va devenir le grand homme que l’on attend ?

C’est une curieuse destinée que celle de l’Amérique du Nord d’être non-seulement le pays de l’avenir, celui vers lequel gravitent aujourd’hui tous les émigrants, tous les colons, celui qui dans peu de temps va changer les lois du monde politique et commercial, mais d’être aussi le pays qui produit à cette heure la plus grande quantité d’or et d’argent sur tout le globe. D’un Océan à l’autre, soit qu’on suive la chaîne littorale atlantique, les monts Apalaches, Alleghanys, etc., soit qu’on parcoure la chaîne centrale du grand continent, les montagnes Rocheuses, ou la chaîne qui regarde le Pacifique, la Sierra Nevada, l’or et l’argent sont partout. Quand on croit les gîtes épuisés, de nouvelles mines apparaissent. Aux gîtes d’or de la Californie, les plus féconds, les plus étendus dont l’histoire fasse mention, ont succédé les mines argentifères de la Nevada, plus riches à elles seules que toutes celles que l’Espagne avait naguère exploitées dans le nouveau monde. Puis sont venues les mines d’or et d’argent du Colorado, de l’Idaho, du Montana, de l’Arizona, dont quelques-unes le disputent aux précédentes pour l’abondance de la production.

C’est là un fait nouveau dans l’histoire de l’Amérique du Nord de fournir aujourd’hui près de la moitié du milliard de francs en or et en argent que pro-