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l’autre du sommet des montagnes Rocheuses, ici dans le Colorado, là dans le Dakota.

La gare de North-Platte ne contient pas seulement, comme toutes ses sœurs, une maison de garde, un château d’eau pour l’alimentation des locomotives, un poste télégraphique, une salle d’attente, une gare pour les marchandises, une maison pour les employés. Comme c’est la principale station à partir d’Omaha, elle possède encore un excellent hôtel, où le voyageur trouve un magnifique buffet, tenu par Léon Pallardie, un ancien traitant canadien, avec lequel nous ferons plus tard intime connaissance.

Alkali, si bien baptisée : il n’y a qu’à regarder le sol couvert d’efflorescences salines ; Ogallalla, où campait naguère la bande des Sioux de ce nom[1], qui obéit aujourd’hui à la fameuse Queue-Bariolée ; enfin Big-Spring ou la Source abondante, et Julesburg, marquaient les quatre dernières stations du chemin de fer du Pacifique, lorsque nous arrivâmes dans les Prairies.

Chez nous, on ne lance le railway que vers les contrées populeuses : les Américains, agissant d’une façon inverse, l’ont poussé cette fois à travers le grand désert, afin d’y appeler la civilisation, et là ils ont dû nommer des villes, des gares, avant même qu’elles ne fussent bâties !

C’était une curieuse ville que celle de Julesburg, où nous arrivions le 2 octobre, à midi. Quelques mois auparavant, il n’y avait pas d’habitants dans cette localité. Il y en avait alors près de deux mille, tous occupés par
Grand-Aigle, Grosse-Caisse et Fort-Marcheur, chefs des tribus Santès et Ponkas. — Dessin de Janet Lange d’après des portraits.
le trafic auquel donnait lieu la construction du chemin de fer ; mais déjà une partie de ces habitants émigrait pour la station de Chayennes, à cent quarante milles plus à l’ouest, que le railway ne devait rejoindre que dans un mois.

Des hôtels, des buvettes, des salles de jeu, quelques magasins, un bureau de poste et de diligence, composaient la plupart des habitations de Julesburg, toutes en bois et du plus modeste style. Les habitants ne valaient guère mieux que les maisons ; mais il ne faut pas juger aux apparences les énergiques pionniers de l’ouest, l’avant-garde du progrès. S’ils ne représentent pas la plus honnête ni la plus noble partie de l’espèce humaine, ils n’en remplissent pas moins un rôle en ce monde, et un rôle des plus méritants. Au reste, le dur travail les purifie bien vite.

Le général Potter, commandant le fort Sedgwick, voisin de Julesburg, nous reçut chez lui quelques heures. Le fort est défendu par du canon, qu’il fallut tirer contre les Indiens en 1863. Les Chayennes[2] et les Sioux[3] avaient brûlé les environs de Julesburg, et en-

  1. On les appelle encore les Rieurs. Serait-ce par onomatopée, à cause de leur nom qui rappelle le rire ?
  2. J’écris ce nom comme il se prononce. Les Américains écrivent aujourd’hui Cheyennes, et naguère ils écrivaient Shiennes, en prononçant l’i anglais long, . Le vrai nom de ces indiens ne serait-il pas les Chiens ? Une bande des Chayennes s’appelle en effet de ce dernier nom. ici encore nous retrouvons une dénomination provenant des Français du Canada.
  3. Les Sioux s’appellent dans leur langue Dakotas, et les Américains ont donné ce nom au territoire qu’ils occupent. Ce nom signifie, dit-on, les alliés. Cette nation se compose en effet de plusieurs tribus, subdivisées en nombreuses bandes. Un vieux traitant m’a expliqué le nom autrement. D’après lui, Dakotas signifierait les