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tants en 1862 ; elle en a aujourd’hui quinze mille. Comme toutes les villes des États-Unis, elle a de beaux édifices, de magnifiques blocs ou îles de maisons, tout cela construit en briques, en pierre ou en bois, et d’un style heureux, qui plaît à l’œil. Ce style n’a qu’un défaut, c’est que, d’un bout à l’autre des États-Unis, il est le même, et finit par devenir monotone ; il est vrai que c’est du même pays et du même peuple qu’il s’agit.

Le chemin de fer du Pacifique, que nous allions parcourir sur une étendue alors ouverte de près de quatre cents milles à travers les Prairies, sera l’une des merveilles de ce siècle. Il s’avance droit dans la plaine, marchant toujours à l’ouest, comme la civilisation depuis les premiers temps de l’histoire, comme la colonisation des États-Unis. Il irait ainsi jusqu’au Pacifique ; mais, pour gagner du temps, une autre voie ferrée s’avance à sa rencontre, partie de la capitale de la Californie, Sacramento. Cette voie a déjà rejoint les flancs de la Sierra Nevada, et va franchir cette chaîne par un tunnel de cinq cents mètres seulement. Elle traversera ensuite l’État de Nevada, si célèbre par ses mines d’argent, puis le territoire des Mormons polygames, ces curieux sectaires. C’est très-probablement sur ce point que les deux voies se rencontreront, et cela avant trois ans. Un ruban de fer continu joindra alors l’Atlantique au Pacifique, New-York à San-Francisco !


La chasse au bison par les Indiens. — Dessin de Janet Lange d’après des croquis originaux.

La nature à tout fait, du côté de l’Atlantique, pour la construction de cet immense railway, et la prairie est si bien nivelée que l’on ne voit pas, en beaucoup d’endroits, de quel côté le sol penche. C’est là l’immense bassin du Missouri et du Mississipi, la plus belle demeure que Dieu ait préparée pour l’homme, comme disait Tocqueville, une terre heureuse et féconde qui pourrait nourrir jusqu’à trois cents millions d’habitants. En outre, comme les cours d’eau n’y ont que des pentes très-faibles, on y peut construire presque sans frais des routes, des chemins de fer, des canaux, toutes ces grandes voies de communication dont les sociétés ont si grand besoin pour se développer. N’est-ce pas Humboldt qui avait fait à son tour cette remarque sur tous les avantages qui ont été départis par la nature au grand bassin du Mississipi ?

Les Américains, qui comprennent mieux que tout autre peuple le rôle que jouent les rivières dans l’économie de ce globe, se sont attachés à les suivre dans le tracé de leurs voies ferrées, et c’est pourquoi le chemin de fer du Pacifique, à peine a-t-il quitté Omaha, suit le cours de la rivière Plate ou de la Nebraska[1].

Voulez-vous connaître le nom de ces stations nouvelles, nées d’hier et germes de villes qui seront un jour puissantes ? Voici Summit-Siding, qui nous indique le sommet des bluffs, ou coteaux sur lesquels est bâtie Omaha ; puis Papillon, où quelque brillant lepidoptère sera un jour venu voltiger autour de quelque

  1. Les Américains écrivent Platte. Nous préférons notre orthographe, qui doit être la vraie, car ce nom est évidemment français. Il convient bien à une rivière au lit très-large et peu profond, et le mot Nebraska, emprunté au dialecte des indiens Sioux, n’a pas une autre signification. Le nom de Plate a dû être donné à la Nebraska par les anciens chasseurs et traitants canadiens, qui ont les premiers parcouru ces vastes solitudes, et imposé aux localités tant d’autres noms français, respectés par les Américains.