Page:Le Tour du monde - 17.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

château, mais il n’existe aucun fait positif qui établisse par des preuves certaines que ce fut là jadis la résidence de la souveraine de Géorgie.

On sent, dès que l’on a passé la ligne de partage du défilé, un changement notable dans la température. L’air se radoucit à mesure que l’on descend vers les vallées chaudes.

Je donne ici le croquis d’un monastère consacré, si je ne me trompe, sous l’invocation de saint Georges. L’édifice, d’une construction assez ancienne, est situé à droite de la grand’route, tout près du relais de poste appelé Ananour.

À Mishet, la dernière station avant Tifflis, on rencontre une autre antiquité beaucoup plus célèbre que la précédente. C’est une église, sous l’invocation également de Saint Georges. Il est d’ailleurs à remarquer que le plus grand nombre des monuments religieux sont placés sous ce même patronage.

Beaucoup d’archéologues et de voyageurs se sont adonnés à des recherches minutieuses sur ce vénérable temple.

Le jour de la fête du saint monastère, on voit arriver de Tiflis et de tous les environs, des pèlerins des deux sexes. Les hommes jettent à peine un coup d’œil dans l’église : ils apportent des provisions, et n’ont eu garde d’oublier des outres pleines de bon vin de Kachetinsk. Leurs campements s’étendent au loin alentour et, pendant plusieurs jours, à la clarté du soleil aussi bien que pendant la nuit, on chante, on danse, on s’enivre, le tout en l’honneur de saint Georges.


Monastère de Saint-Georges, près du relais d’Ananour.

Tiflis est à vingt verstes de là. Ses édifices mériteraient d’être décrits avec plus de détail qu’il ne me fut possible dans ce premier voyage. Il en est de même de ses habitants.

Je regrette également de n’avoir pas à donner cette fois de plus amples renseignements sur le Caucase. Telle qu’elle est aujourd’hui, cette contrée offre un champ vaste et fécond, tout à la fois, aux observations du modeste touriste et aux études de l’infatigable savant. Le moment actuel est on ne peut plus favorable à l’exploration de ce pays, où la paix vient de succéder aux guerres sanglantes dont il était le théâtre depuis de nombreuses années. Il est facile au voyageur d’y pénétrer et de s’y livrer à l’étude de la nature et de l’homme[1]. La paix a rapproché les indigènes de leurs conquérants, et nul doute que les traits saillants du caractère des montagnards ne s’effacent en subissant l’empreinte inévitable de la civilisation, dont l’influence, par la force des choses, se répand sur toutes les contrées. Les tribus caucasiennes, en émigrant en Turquie, emportent à jamais ce qui, jusqu’alors, avait fait du Caucase un pays à part, original. Mais on n’aura pas à le regretter, si l’on songe plus à la prospérité de ce pays qu’à son apparence pittoresque.

B. Vereschaguine.

(Fin de la première partie.)


  1. C’est ce que fait depuis plusieurs années un savant et judicieux observateur, M. Gustave Raddé, auquel ses voyages dans la région du lac Baïkal ont conquis une juste renommée.