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mais elles ont bien peu d’importance en comparaison de celle que je viens de décrire ; elles nécessitent cependant des travaux de déblayement qui durent parfois plusieurs semaines.

D’après ce qui précède, il est aisé de se rendre compte des difficultés que l’on rencontre dans l’entretien de cette voie de communication entre la Russie et le Transcaucase.

Pour conjurer le péril des grandes avalanches qui, malgré tout, paraît toujours imminent, on avait eu l’idée d’exhausser la route de près de cent soixante-dix mètres, mais ce projet a été abandonné, quoique les travaux commencés eussent été poussés d’abord avec beaucoup de vigueur. On aperçoit de la route qui domine le précipice une longue ligne droite percée dans le rocher.

Je crois devoir donner maintenant quelques détails sur le Darial et sur les tribus du Kasbek.

Le relais de poste est construit en face de la montagne dont il porte le nom. Un ancien couvent, inhabité de nos jours, s’élève non loin du Kasbek sur une cime isolée. Je doute qu’il soit accessible. Je n’en vis du moins aucune apparence. Il est assez bien conservé, et, du dehors, il a l’aspect d’un édifice complet, entouré de murs et recouvert de toits. Ce monastère est, pendant la majeure partie de l’année, enveloppé de nuages.

On voit renaître la verdure sur les derniers gradins des rochers, lorsqu’on arrive vers le milieu de la gorge du Darial.

C’est là qu’habitent les Géorgiens de la montagne et les Ossètes. Les premiers ne diffèrent nullement de leurs compatriotes de Tiflis.

Les Ossètes sont établis non-seulement dans le défilé du Darial, mais aussi sur une grande étendue de montagnes, au sud-ouest du Vladicavcaz, à l’endroit où finissent les établissements des Cabardins. Ils se distinguent
Village ossétien en hiver.
très-notablement des tribus qui les entourent, principalement par leur langage et leurs mœurs.

Leurs villages sont ordinairement répandus sur le versant des montagnes. On voit, des deux côtés du Darial, de hautes murailles flanquées de tourelles : ces monuments rappellent l’époque du brigandage. Leur emplacement, en même temps que leur disposition, montre que leurs habitants devaient consulter avant tout les besoins de la défense, et se construire une demeure solide et appropriée aux nécessités de leur genre de vie. La plus grande partie de ces demeures de paysans ont deux étages : le rez-de-chaussée est occupé par l’écurie et par l’étable. Elles sont adossées à la montagne, dans laquelle elles sont le plus souvent taillées.

Certains voyageurs ont trouvé dans les mœurs et dans la manière de vivre des Ossètes beaucoup de rapports avec les usages des Germains. On sait aussi que les ethnologues ont été jusqu’ici embarrassés pour établir l’origine de cette peuplade. Les uns la font descendre des Germains, d’autres des Slaves, d’autres enfin des Turcs. Leurs coutumes donnent à penser qu’elle a été en rapports avec l’Europe à une époque plus ou moins rapprochée de la nôtre.

En effet, l’Ossète fait usage du lit, de la table et du siége, contrairement aux habitudes de toutes les autres tribus du Caucase et du Transcaucase ; il s’assied comme la plupart des Européens sans avoir les jambes croisées sous lui. Le père de famille a toujours pour siége une espèce de fauteuil, travaillé avec art.

J’ai fait usage d’un meuble de ce genre pendant mon séjour à Tiffis : il était ciselé d’après un dessin assez régulier, quoique l’exécution en fût grossière.

Il est probable que, dans l’antiquité, les Ossètes ont occupé les régions les plus septentrionales du Caucase ;