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enfermé dans un étui de laine de mouton ; à côté, sont attachés deux minces et longs bâtons aux pointes aiguës. Lorsque le montagnard est à pied et qu’il veut faire usage de son fusil, il prend ces bâtons, les enfonce dans la terre en les croisant, et appuie entre leurs sommets l’extrémité de son arme. Avec ce vieux système, il est rare que, dirigée par la main habile du montagnard, la balle manque son but.


Tatare de Piatigorsk.

Par-dessus leur coiffure ordinaire, les Cabardins ajoutent quelquefois un autre bonnet, grand, large et pointu, en peau de chameau, avec de longs bouts qui tombent sur le cou, l’entourent et le protégent contre le vent et la pluie. Au temps de la chaleur, le bachlik remplace le papach.

Parfois, l’archalouka et le tcherkeska sont ornés d’un mince galon d’argent, quoique le plus souvent ils n’aient rien d’aussi brillant. Mais, le montagnard est riche, ses armes sont presque toujours couvertes de dessins argentés : il arrive d’en rencontrer que l’on prendrait pour mendiants à ne les juger que d’après leurs vêtements déchirés, et qui portent à leur ceinture des armes richement travaillées.

Il m’a paru de quelque intérêt de donner tous ces détails sur le costume cabardin, d’autant plus qu’il n’appartient pas seulement aux montagnards ; les Cosaques l’ont aussi généralement adopté, mais ils le portent avec moins de grâce et d’aisance.

Je n’ai vu les femmes que couvertes de leur long voile, et je ne suis pas à même de décrire leurs vêtements. J’ai pu cependant, par un coin du voile légèrement soulevé, distinguer de courts pantalons excessivement larges, et la même chaussure à talons hauts, que celle des hommes.

Les femmes de distinction portent des costumes riches, très-originaux, mais fort compliqués.

Les chevaux des Cabardins ne paraissent point aussi forts que ceux que l’on voit dans tout le Caucase : toutefois pour la course ils sont excellents et infatigables.

En général, ils sont maigres et ont la peau collée sur les os.

La selle des montagnards est recouverte d’un coussin en peau ; les étriers sont attachés très-court, de sorte que les jambes forment avec la cuisse une espèce de V. C’est l’habitude générale des peuples de l’Orient, poussée à l’extrême dans le pays. On doit s’étonner que ce genre d’appui soit suffisant, et qu’il permette aux cavaliers de se tenir si solidement sur leur selle qu’ils ont l’air d’y être incrustés. Quant à moi, après plusieurs essais, et malgré de longues courses à travers les montagnes, je ne pus me faire à cette position fatigante des jambes ainsi recourbées, et souvent, au grand scandale de mes compagnons, je pris le parti de laisser mes jambes pendantes et libres, comme le font les paysans russes lorsqu’ils reviennent des champs, montés sur leurs chevaux pommelés, au ventre énorme.

Les femmes mènent une vie tout à fait retirée : elles se montrent rarement hors de leur leur logis, et on ne les rencontre guère que lorsqu’elles vont puiser de l’eau.

Nobles et paysans partagent en frères une ignorance complète. La jeunesse cabardine ne reçoit aucune instruction : les lettrés sont tellement rares que c’est à peine si l’on rencontre un homme qui sache lire et écrire.

Le vin est prohibé chez les Cabardins comme chez les Musulmans.

Leur nourriture se compose de quelques mets des plus simples ; ils sont en général très-sobres. Semblables en cela aux habitants des campagnes, dans quelques-uns des pays même les plus civilisés, ils ne se départissent de cette bonne habitude qu’à l’occasion de grandes solennités, le mariage, par exemple : ils passent alors des journées entières à manger : les repas sont interrompus de temps à autre par des danses.

La lesghinska est la danse nationale par excellence dans tout le Caucase et dans le Transcaucase : elle consiste en pas très-difficiles et très-excentriques que le danseur exécute en cadence, avec l’accompagnement