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merveilleuse a dû contribuer beaucoup à augmenter sa réputation dans la contrée :

« Maintenant, mon cher, va, que Dieu t’accompagne, continue ta route, » me disait-elle en faisant disparaître dans sa poche l’argent si facilement gagné, mais n’oublie pas la vieille femme ! »

Rien de plus insupportable, à partir de Stavropol, que de rencontrer sans cesse les innombrables ruisseaux qui descendent des montagnes. Souvent taris, ils sont presque toujours guéables en été. Mais ces filets d’eau, qui ne sont alors qu’ennuyeux, se transforment en torrents furieux, au printemps, par suite de
Petite fille cosaque.
la fonte des neiges, et en automne pendant les pluies. Leurs eaux troubles et toutes noires de boue culbutent et entraînent les mauvais ponts : il est réellement très-dangereux, sinon tout à fait impossible, de les traverser. Il est plus prudent d’attendre qu’un pont brisé soit reconstruit, à moins que l’on ne tienne pas beaucoup à sa vie et à ses bagages. J’ai vu, dans de semblables circonstances, un soldat, conduisant un attelage de bœufs, tenter bien malheureusement la traversée d’un de ces torrents ; les bœufs s’en tirèrent par miracle, mais la charrette et le soldat disparurent dans les flots, On m’assura que de pareils accidents ne sont pas rares pendant les mauvaises saisons, et je n’eus pas de peine à le croire.


Vieux cosaque.

Il est tout naturel de se demander à qui la faute : peut-on accuser les ruisseaux sujets à des crues périodiques, et ne manquant jamais de renverser deux fois par an les mauvais ponts qu’on reconstruit au retour de l’été ? Ne doit-on pas plutôt s’en prendre aux autorités locales, qui, fidèles à la routine, se contentent de réparer à la légère les dégâts causés par les eaux, sans prendre soin d’établir des constructions qui offrent plus de résistance et de durée ?

Les relais sont établis dans les villages qui sont traversés par les grandes routes postales ; ils se trouvent ici dans les bourgades cosaques. Les distances qui les séparent varient de quinze à vingt-cinq verstes[1].

Le service des postes est affermé à des particuliers ; certains individus prennent à bail dix, vingt relais, et quelquefois plus. Ils sont la plupart fort peu scrupuleux.

Il n’est pas rare que l’on parcoure de nombreuses étapes presque au pas. Les chevaux meurent de faim. Les voitures sont vermoulues par le temps et usées par le service : elles se brisent à chaque instant. Par suite d’épizooties, ou bien encore de la cherté des four-

  1. Une verste équivaut à un kilomètre environ.