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ces régions ouvertes à tous les vents, ils se réfugient dans leur tente, abri insuffisant, où ils restent des jours entiers blottis sous des monceaux de nippes.

L’habillement de fête se compose rarement, ou plutôt jamais, de vêtements neufs : il est moins déchiré que les autres, c’est la seule différence.

Voici ce que l’on peut distinguer dans le costume du Kalmouk : une chemise toujours sale, un bechmète, un large pantalon, des bottes en maroquin rouge ; pour coiffure un bonnet carré en drap, orné d’une large bordure fourrée en peau de mouton le plus souvent avec un immense gland au sommet. Le riche met en outre un khalate ou vaste robe de chambre très-large et très-longue. La femme ne porte point, comme l’homme, de ceinture sur sa chemise : ses cheveux s’échappent de dessous le bonnet en plusieurs tresses entrelacées de rubans de différentes couleurs.

Pour avoir une idée complète d’un Kalmouk, figurez-vous un être humain à la face déprimée, aux yeux excessivement étroits et relevés sur les côtés du visage, aux larges pommettes, aux oreilles pendantes : la tête est recouverte d’une longue chevelure ébouriffée et la barbe a l’air d’avoir été à moitié épilée. Petit de taille, cet enfant des steppes est doué d’un corps robustement bâti.


Kalmouks conduisant des chameaux au marché de Tiflis.

Le Kalmouk est adroit et pousse la ruse jusqu’à la friponnerie. Le vol est considéré comme une industrie lucrative et il est pratiqué avec un art qui dépasse tout ce que nous pourrions imaginer. Un bon Kalmouk, un homme comme il faut, excelle dans ce métier. Enlever une bête sous les yeux d’un simple et trop naïf paysan, l’emmener au loin, maquignonner et la troquer contre une autre qu’on ramène dans son khotoune, est la chose la plus commune. Cette profession de voleur se transmet religieusement de père en fils, et il est rare que ce dernier dégénère. Tout autre travail est inconnu à l’homme. La femme nourrit l’enfant, le soigne, l’élève sans que le père de famille s’en préoccupe jamais.

Les enfants du reste croissent et grandissent à l’abandon. C’est à peine si le riche envoie son fils apprendre à lire chez le ghellunghz (prêtre). Les écoles et toutes espèces d’institutions sociales manquent absolument, du moins à en juger par ce que j’ai eu l’occasion d’observer. L’ignorance est extrême, et l’on ne rencontre un commencement de culture intellectuelle que chez un petit nombre de ceux qui ont des demeures fixes.

Le nomade est misérable : la petite quantité de bestiaux qu’il élève suffit à peine à ses besoins. Il n’ensemence point la terre pour avoir des récoltes ; il ne prépare pas de fourrages, il ne fait aucune provision